Forum sur la Gironde & Manon Roland
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Vergniaud sur la Patrie en Danger

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Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 17:19

Discours à la Législative, le 3 juillet 1792. Vergniaud sur la Patrie en danger.

« Messieurs, quelle est donc l'étrange position où se trouve l'assemblée nationale ? Quelle fatalité nous poursuit, et signale chaque jour par de grands événements qui, portant le désordres dans nos travaux, nous livrent à l'agitation tumultueuse des inquiétudes, des espérances et des passions ? Quelles destinées prépare à la France cette terrible effervescence au sein de laquelle, si l'on connaissait moins l'amour impérissable du peuple pour la liberté, on serait tenté de douter si la révolution rétrograde ou si elle arrive à son terme ?

Au moment où nos armées du Nord paraissent faire des progrès dans le Brabant et flattent notre courage par des augures de victoire, tout à coup on les fait se replier devant l'ennemi ; elles abandonnent des positions avantageuses qu'elles avaient conquises ; on les ramène sur notre territoire, on y fixe le théâtre de la guerre, et il ne restera de nous chez les malheureux Belges que le souvenir des incendies qui auront éclairé notre retraite. D'un autre côté et sur les bords du Rhin, nos frontières sont menacées par les troupes prussiennes, dont des rapports ministériels nous avaient fait espérer que la marche ne serait pas si prompte. Telle est notre situation politique et militaire, que jamais la sage combinaison des plans, la prompte exécution des moyens, l'union, l'accord de toutes les parties du pouvoir à qui la Constitution délègue l'emploi de la force armée, ne furent aussi nécessaires; que jamais la moindre mésintelligence, la plus légère suspension, les écarts les moins graves ne purent devenir aussi funestes.

Comment se fait-il que ce soit précisément au dernier période de la plus violente crise, et sur les bords du précipice où la nation peut s'engloutir, que l'on suspende le mouvement de nos armées ; que, par une désorganisation subite du ministère, on ait brisé la chaîne des travaux, rompu les liens de la confiance, livré le salut de l'empire à l'inexpérience de mains choisies au hasard, multiplié Ies difficultés de l'exécution, et compromis son succès par les fautes qui échappent, même au patriotisme le plus éclairé, dans l'apprentissage d'une grande administration ?

Si l'on conçoit des projets qui puissent faciliter le complètement de nos armées, augmenter nos moyens de vaincre ou de rendre nos défaites moins désastreuses, pourquoi sont-ils précédés auprès du trône par la calomnie, et là étouffés par la plus perfide malveillance ? Serait-il vrai qu'on redoute nos triomphes ? Est-ce du sang de l'armée de Coblentz ou du nôtre dont on est avare ? Si le fanatisme excite des désordres, s'il menace de livrer l'empire au déchirement simultané de la guerre civile et d'une guerre étrangère, quelle est l'intention de ceux qui font rejeter, avec une invincible opiniâtreté, toutes les lois de répression présentées par l’assemblée nationale ? Veulent-ils régner sur des villes abandonnées, sur des champs dévastés ? Quelle est au jute la quantité de larmes, de misère, de sang, de morts, qui suffit à leur vengeance ? où sommes-nous enfin ?

Dans quel abîme veut-on nous entraîner ? Et vous, messieurs, qu'allez-vous entreprendre de grand pour la chose publique ? Vous, dont les ennemis de la Constitution se flattent insolemment d'avoir ébranlé le courage ;

Vous, dont ils tentent chaque jour d'alarmer les consciences et la probité en qualifiant l'amour de la liberté d'esprit de faction, comme si vous pouviez avoir oublié qu'une cour despotique donna aussi le nom de factieux aux représentants du peuple qui allèrent prêter le serment du Jeu de Paume, que les lâches héros de l'aristocratie l'ont constamment prodigué aux vainqueurs de la Bastille, à tous ceux qui ont fait et soutenu la révolution, et que l'assemblée constituante crut devoir honorer ;

Vous, qu'on a tant calomniés parce que vous êtes presque tous étrangers à la caste que la Constitution a renversée dans la poussière, et que les intrigants qui voudraient la relever, et les hommes dégradés qui regrettent l'infâme honneur de ramper devant elle, n'ont pas espéré de trouver en vous des complices ;

Vous contre qui l'on ne s'est déchaîné avec tant de fureur, que parce que vous formez une assemblée véritablement populaire, et qu'en vous on a voulu avilir le peuple ;

Vous qu'on a si lâchement accusés de flétrir l'éclat du trône constitutionnel, parce que plusieurs fois votre main vengeresse a frappé ceux qui voulaient en faire le trône d'un despote ;

Vous à qui l'on a eu l'infamie et l'absurdité de supposer des intentions contraires à vos serments, comme si votre bonheur n'était pas attaché à la Constitution, où comme si, investis d'une autre puissance que celle de la loi, vous aviez une liste civile pour soudoyer des assassins contre-révolutionnaires ;

Vous que, par l'emploi perfide de la calomnie et du langage d'une hypocrite modération, on voudrait refroidir sur les intérêts du peuple, parce qu'on sait que vous tenez votre mission du peuple, que le peuple est votre appui, et que si, par une coupable désertion de sa cause, vous méritiez qu'il vous abandonnât à son tour, il serait aisé de vous dissoudre ;

Vous que l'on a voulu, et, il faut le dire avec douleur, qu'on est parvenu à affaiblir par de funestes divisions, mais qui sans doute, dans la crise actuelle où la nation fixe ses regards inquiets sur cette enceinte, sentirez le besoin de reprendre toutes vos forces ; qui ajournerez après la guerre nos bruyantes querelles, nos misérables dissensions ; qui déposerez au pied de l'arbre de la liberté notre orgueil, nos jalousies, nos passions ; qui ne trouverez pas si doux de vous haïr que vous préfériez cette infernale jouissance au salut de la patrie ;

Vous que l'on a voulu épouvanter par des pétitions armées, comme si vous ignoriez qu'au commencement de la révolution, le sanctuaire de la liberté fût environné des satellites du despotisme, Paris assiégé par une armée, et que ces jours de dangers furent ceux de la véritable gloire de l'assemblée constituante ;

Vous sur qui j'ai cru devoir présenter ces réflexions rapides, parce qu'au moment où il importe d'imprimer une forte commotion à l'opinion publique, il m'a paru indispensable de dissiper tous les prestiges, toutes les erreurs, qui pourraient atténuer l'effet de vos mesures ;

Vous enfin, à qui chaque jour découvre un immense horizon de conjurations, de perfidies et de dangers, qui êtes placés sur les bouches de l'Etna pour conjurer la foudre, quelles seront vos ressources ? que vous commande la nécessité ? que vous permet la Constitution ?

Je vais hasarder de vous présenter quelques idées : peut-être aurais-je pu en supprimer une partie d'après les nouvelles propositions qui vous ont été faites par le roi ; mais des événements plus récents me défendent encore cette suppression, qui d'ailleurs m'eût paru une bassesse depuis qu'on a voulu influencer nos opinions. Un représentant du peuple doit être impassible devant les baïonnettes comme devant la calomnie.

J'appellerai d'abord votre attention sur les troubles intérieurs. Ils ont deux causes : manœuvres nobiliaires, manœuvres sacerdotales : toutes deux tendent au même but, la contre-révolution. Vous préviendrez faction de la première par une police sage et vigoureuse : il faut se hâter d'en discuter les bases. Mais lorsque vous avez fait tout ce qui était en vous pour sauver le peuple de la terrible influence de la seconde, la Constitution ne laisse plus à votre disposition qu'un dernier moyen : il est simple ; je le crois cependant juste et efficace. Le voici.

Le roi a refusé sa sanction à votre décret sur les troubles religieux. Je ne sais si le sombre génie de Médicis et du cardinal de Lorraine erre encore sous les voûtes du palais des Tuileries ; si l'hypocrisie sanguinaire des jésuites Lachaise et Letellier revit dans l'âme de quelques scélérats, brûlant de voir se renouveler la Saint-Barthélemy et les dragonnades ; je ne sais si le cœur du roi est troublé par les idées fantastiques qu'on lui suggère, et sa conscience égarée par les terreurs religieuses dont on l'environne.


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Dernière édition par le Mar 17 Jan 2006 - 10:51, édité 1 fois
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Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 17:20

(suite du discours)

Mais il n'est pas permis de croire, sans lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi le plus dangereux de la révolution, qu'il veuille encourager par l'impunité les tentatives criminelles de l'ambition pontificale, et rendre aux orgueilleux suppôts de la tiare la puissance désastreuse dont ils ont également opprimé les peuples et les rois : il n'est pas permis de croire, sans lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi du peuple, qu'il approuve ou même qu'il voit avec indifférence les manœuvres sourdes employées pour diviser les citoyens, jeter des ferments de haine dans le sein des familles, et étouffer au nom de la Divinité les sentiments les plus doux dont elle a composé la félicité des hommes : il n'est pas permis de croire, sans lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi des lois, qu'il se refuse à l'adoption des mesures répressives contre le fanatisme, pour porter les citoyens à des excès que le désespoir inspire et que les lois condamnent ; qu'il aime mieux exposer les prêtres insermentés, même alors qu'ils ne troublent pas l'ordre, à des vengeances arbitraires que de les soumettre à une loi qui, ne frappant que sur les perturbateurs, couvrirait les innocents d'une égide inviolable : enfin il n'est pas permis de croire, sans lui faire injure et l'accuser d'être l'ennemi de l'empire, qu'il veuille perpétuer les séditions, éterniser les désordres et tous les mouvements révolutionnaires qui poussent l'empire à la guerre civile, et le précipiteraient par la guerre civile vers sa destruction.

D'où je conclus que s'il a résisté à votre vœu, il se regarde comme assez puissant par les lois déjà existantes, par la force redoutable dont elles l'ont armé, pour faire succéder la paix aux troubles et le bonheur aux larmes.

Si donc il arrive que les espérances de la nation et les nôtres soient trompées, si l'esprit de division continue à nous agiter, si la torche du fanatisme menace encore de nous consumer, si les violences religieuses désolent toujours les départements, il est évident que la faute en devra être imputée à la négligence seule ou à l'incivisme des agents employés par le roi, que les allégations de l'inanité de leurs efforts, de l'insuffisance de leurs précautions, de la multiplicité de leurs veilles, ne seront que de méprisables mensonges, et qu'il sera juste d'appesantir le glaive de la justice sur eux comme étant la cause unique de tous nos maux.

Hé bien, messieurs, consacrez aujourd'hui cette vérité par une déclaration solennelle. Le veto apposé sur votre décret a répandu non cette morne stupeur sous laquelle l'esclave affaissé dévore ses pleurs en silence, mais ce sentiment de douleur généreux qui chez un peuple libre éveille les passions et accroît leur énergie. Hâtez-vous de prévenir une fermentation dont les effets sont hors de la prévoyance humaine ! Apprenez à la France que désormais les ministres répondront sur leur tète de tous les désordres dont la religion sera le prétexte ! Montrez-lui dans cette responsabilité un terme à ses inquiétudes, l'espérance de voir les séditieux punis, les hypocrites dévoilés, et la tranquillité renaître !

Votre sollicitude pour la sûreté extérieure de l'empire et le succès de la guerre vous fit adopter l'idée d'un camp ou d'une armée placée entre Paris et les frontières ; vous associâtes cette idée à celle d'une fête civique qui aurait été célébrée à Paris le 14 juillet..... Le 14 juillet ! ..... Vous saviez quelles profondes impressions le souvenir de ce grand jour éveille dans les cœurs ; vous saviez avec quel transport les citoyens seraient accourus de tous les départements pour enlacer dans leurs bras les vainqueurs de la Bastille ; avec quels élans de joie ils seraient venus, parmi les habitants de la cité qui se glorifie d'avoir donné la première impulsion vers la liberté, répéter le serment de vivre libres ou de mourir !

Ainsi le plus généreux enthousiasme, l'ivresse d'un sentiment fraternel auraient concouru, avec la certitude des dangers de la patrie, à accélérer l'organisation de la nouvelle armée, et vous, messieurs, vous auriez en quelque sorte adouci les calamités de la guerre en y mêlant les jouissances ineffables d'une fraternité universelle ! Le souffle empoisonné de la calomnie a flétri ce projet patriotique ; on a repoussé avec une sécheresse barbare les embrassements et les fêtes ; les plans de fédération et d'allégresse se sont changés en mesures de discorde et d'événements funestes. Le roi a refusé sa sanction à votre décret.

Je respecte trop l'exercice d'un droit constitutionnel pour vous proposer de rendre le ministère responsable des mouvements désordonnés qui auront pu être la suite de ce refus ; mais il doit l'être au moins si l'on a omis une seule des précautions que demandait la sûreté de votre territoire, s'il arrive qu'avant le rassemblement des bataillons de gardes nationales dont le roi vous a proposé la formation , le sol de la liberté soit profané par les tyrans. Le roi ne veut pas livrer la France aux armées étrangères ; il se fût empressé d'adopter vos vues si l'on ne l'eût persuadé, ou qu'il n'y avait aucune attaque à redouter du côté du Rhin et de la part des Prussiens, ou que nous étions en force pour la repousser. Quelle que soit l'erreur à laquelle on l'ait induit, comme il nous sera doux de louer les ministres s'ils ont mis l'empire dans un état de défense honorable, il sera juste aussi de les charger du blâme si cet état de défense est d'une faiblesse qui nous compromette, et vous avez à cet égard une déclaration qui éclaire le peuple sur les soins qu'on prend pour sa gloire et sa tranquillité, et qui ne laisse aucune inquiétude sur le châtiment des traîtres.

Dira-t-on que la sanction dépend de la volonté seule du roi ; que les ministres ne participent en aucune manière à cet acte éminent que lui délègue la Constitution ; que dès-lors il ne peut être à leur égard le prétexte d'aucune responsabilité ? Je répliquerai que je n'entends point rendre les ministres responsables du refus de sanction, mais seulement de l'insuffisance ou de l'inexécution, ou de l'exécution trop tardive des moyens de sûreté que commandent les circonstances. Le roi est inviolable ; mais seul il jouit de son inviolabilité, qui est incommunicable ; il ne répond ni de ses fautes, ni de ses erreurs, mais ses agents en répondent pour lui : ce sont là les deux bases indivisibles de l'organisation du pouvoir exécutif ; ce n'est que par elles que sous un prince insouciant ou conspirateur, et dans de grands dangers, on pourrait sauver l'état ; ce n'est que par elles que sous un prince tyran on pourrait épargner à la loi l'insigne affront de voir l'impunité assurée aux plus grands crimes, et préserver les citoyens des malheurs dont un privilège aussi scandaient pourrait être la source. S'il est des circonstances où le corps législatif ait seulement la faiblesse de les modifier, l'orgueil que nous avons eu de nous croire libres est un délire ; et la Constitution n'est plus que le sceau d'un honteux esclavage !

Dira-t-on que la responsabilité ministérielle acquiert un caractère d'injustice par la grande extension que je parais lui donner ? Je réponds que l'homme qui s'y soumet volontairement par l'acceptation spontanée du ministère renonce à la faculté d'accuser la loi de trop de rigueur.

Mais il ne suffit pas d'avoir prouvé qu'il faudra jeter les ministres eux-mêmes dans l'abîme que leur incurie ou leur malveillance pourrait avoir creusé devant la liberté. Eh ! qu'importent à la patrie opprimée une vengeance tardive ? Le sang de quelques ministres coupables expierait-il la mort des citoyens généreux tombés en la défendant sous les coups de ses ennemis ? Serait-ce par des échafauds et des supplices qu'elle pourrait se consoler de la perte de ses enfants les plus chers ?

Il est des vérités simples, mais fortes et d'une haute importance, dont la seule énonciation peut, je crois, produire des effets plus grands, plus salutaires que la responsabilité des ministres, et nous épargner des malheurs que celle-ci ne serait pas un moyen de réparer. Je vais parler sans autre passion que l'amour de la patrie et le sentiment profond des maux qui la désolent : je prie qu'on m'écoute avec calme, qu'on ne se hâte pas de me deviner pour approuver au condamner d'avance ce que je n'ai pas l'intention de dire. Fidèle à mon serment de maintenir la Constitution, de respecter les pouvoirs constitués, c'est la Constitution seule que je vais invoquer ; de plus j'aurai parlé dans les intérêts bien entendus du roi, si, à l'aide de quelques réflexions d'une évidence frappante, je déchire le bandeau que l'intrigue et l'adulation ont mis sous ses yeux, et si je lui montre le terme où ses perfides amis s'efforcent de le conduise.

C'est au nom du roi que les princes français ont tenté de soulever contre la nation toutes les cours de l'Europe : c'est pour venger la dignité du roi que s'est conclu le traité de Pilnitz, et formée l'alliance monstrueuse entre les cours de Vienne et de Berlin : c'est pour défendre le roi, qu'on a vu accourir en Allemagne sous les drapeaux de la rébellion les anciennes compagnies des gardes du corps ; c'est pour venir au secours du roi, que les émigrés sollicitent et obtiennent de l'emploi dans les armées autrichiennes, et s'apprêtent à déchirer le sein de leur patrie ; c'est pour Joindre ces preux chevaliers de la prérogative royale, que d'autres preux, pleins d'honneur et de délicatesse, abandonnent leur poste en présence de l'ennemi, trahissent leurs serments, volent les caisses, travaillent à corrompre les soldats, et placent ainsi leur gloire dans la lâcheté, le parjure, l'insubordination, le vol et les assassinats !

C'est contre la nation, ou l'assemblée nationale seule, et pour le maintien de la splendeur du trône, que le roi de Bohème et de Hongrie nous fait la guerre, et que le roi de Prusse marche vers nos frontières. C'est au nom du roi que la liberté est attaquée, et que si l'on parvenait à la renverser on démembrerait bientôt l'empire pour indemniser de leurs frais les puissances coalisées ; car on coupait la générosité des rois ; on sait avec quel désintéressement ils envoient leurs armées pour désoler une terre étrangère, et jusqu'à quel point on peut croire qu'ils épuiseraient leurs trésors pour soutenir une guerre qui ne devrait que leur être profitable ! Enfin tous les maux qu'on s'efforce d'accumuler sur nos têtes, tous ceux que nous avons à redouter, c'est le nom seul du roi qui en est le prétexte ou la cause.

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Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 17:22

(suite du discours)

Or je lis dans la Constitution, chap. II, sect. I, art. 6 : Si le roi se met à la tête d'une armée et en dirige les forces contre la nation, ou s'il ne s'oppose pas par un acte formel à une telle entreprise qui s'exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué la royauté.

Maintenant je me demande ce qu'il faut entendre par un acte formel d'opposition : la raison me dit que c'est l'acte d'une résistance proportionnée autant qu'il est possible au danger, et faite dans un temps utile pour pouvoir l'éviter.

Par exemple, si dans la guerre actuelle cent mille Autrichiens dirigeaient leur marche vers la Flandre, cent mille Prussiens vers l'Alsace, et que le roi, qui est le chef suprême de la force publique, n'opposât à chacune de ces deux redoutables armées qu'un détachement de dix ou de vingt mille hommes, pourrait-on dire qu'il a employé des moyens de résistance convenables, qu'il a rempli le vœu de la Constitution, et fait l'acte formel qu'elle exige de lui ?

Si le roi, chargé de veiller à la sûreté extérieure de l'État, de notifier au corps législatif les hostilités imminentes, instruit des mouvements de l'année prussienne, et n'en donnant aucune connaissance à l’assemblée nationale ; instruit, ou du moins pouvant présumer que cette armée nous attaquera dans un mois, disposait avec lenteur les préparatifs de répulsion ; si l'on avait une juste inquiétude sur les progrès que les ennemis pourraient faire dans l'intérieur de la France, et qu'un camp de réserve fût évidemment nécessaire pour prévenir ou arrêter ses progrès ; s'il existait un décret qui rendît infaillible et prompte la formation de ce camp ; si le roi rejetait ce décret, et lui substituait un plan dont le succès fût incertain, et demandât pour son exécution un temps si considérable que les ennemis auraient celui de la rendre impossible ; si le corps législatif rendait des décrets de sûreté générale, que l'urgence du péril ne permît aucun délai, que cependant la sanction fût refusée ou différée pendant deux mois ; si le roi laissait le commandement d'une armée à un général intriguant, devenu suspect à la nation par les fautes les plus graves, les attentats les plus caractérisés à la Constitution ; si un autre général, nourri loin de la corruption des cours et familier avec la victoire, demandait, pour la gloire de nos armes, un renfort qu'il serait facile de lui accorder ; si, par un refus, le roi lui disait clairement je te défends de vaincre ; si, mettant à profit cette funeste temporisation, tant d'incohérence dans notre marche politique, ou plutôt une si constante persévérance dans la perfidie, la ligue des tyrans portait des atteintes mortelles à la liberté, pourrait-on dire que le roi a fait la résistance constitutionnelle, qu'il a rempli pour la défense de l'État le vœu de la Constitution, qu'il a fait l'acte formel qu'elle lui prescrit ?

Souffrez, messieurs, que je raisonne encore dans cette supposition douloureuse ; j'ai exagéré plusieurs faits ; j'en énoncerai même tout à l'heure qui, je l'espère, ne se réaliseront jamais pour ôter tout prétexte à des applications purement hypothétiques ; mais j'ai besoin d'un développement complet pour montrer la vérité sans nuage.

Si tel était le résultat de la conduite dont je viens de tracer le tableau, que la France nageât dans le sang, que l'étranger y dominât, que la Constitution fût ébranlée, que la contre-révolution fut là, et que le roi vous dit pour sa justification :

II est vrai que les ennemis qui déchirent la France prétendent n'agir que pour relever ma puissance qu'ils supposent anéantie, venger ma dignité qu'ils supposent flétrie, me rendre mes droits royaux qu'ils supposent compromis ou perdus ; mais j'ai prouvé que je n'étais pas leur complice ; j'ai obéi à la Constitution, qui m'ordonne de m'opposer par un acte formel à leurs entreprises, puisque j'ai mis des armées en campagne. Il est vrai que ces armées étaient trop faibles ; mais la Constitution ne désigne pas le degré de force que je devais leur donner ; il est vrai que je les ai rassemblées trop tard ; mais la Constitution ne désigne pas le temps auquel je devais les rassembler : il est vrai que des camps de réserve auraient pu les soutenir ; mais la Constitution ne m'oblige pas à former des camps de réserve : il est vrai que lorsque les généraux s'avançaient en vainqueurs sur le territoire ennemi, je leur ai ordonna de s'arrêter ; mais la Constitution ne me prescrit pas de remporter des victoires ; elle me défend même les conquêtes : il est vrai qu'on a tenté de désorganiser les armées par des démissions combinées d'officiers, et par des intrigues, et que je n'ai fait aucun effort pour arrêter le cours de ces démissions ou de ces intrigues ; mais la Constitution n'a pas prévu ce que j'aurais à faire sur un pareil délit : il est vrai que mes ministres ont continuellement trompé l'assemblée nationale sur le nombre, la disposition des troupes et leurs approvisionnements ; que j'ai gardé le plus longtemps que j'ai pu ceux qui entravaient la marche du gouvernement constitutionnel, le moins possible ceux qui se forçaient de lui donner du ressort ; mais la Constitution ne fait dépendre leur nomination que de ma volonté, et nulle part elle n'ordonne que j'accorde ma confiance aux patriotes, et que je chasse les contre-révolutionnaires : il est vrai que l'assemblée nationale a rendu des décrets utiles, ou même nécessaires, et que j'ai refusé de les sanctionner ; mais j'en avais le droit ; il est sacré, car je le tiens de la Constitution : il est vrai enfin que la contre-révolution se fait, que le despotisme va remettre entre mes mains son sceptre de fer, que je vous en écraserai, que vous allez ramper, que je vous punirai d'avoir eu l'insolence de vouloir être libres ; mais j'ai fait tout ce que la Constitution me prescrit ; il n'est émané de moi aucun acte que la Constitution condamne ; il n'est donc pas permis de douter de ma fidélité pour elle, de mon zèle pour sa défense.

Si, dis-je, il était possible que dans les calamités d'une guerre funeste, dans les désordres d'un bouleversement contre-révolutionnaire, le roi des Français leur tînt ce langage dérisoire ; s'il était possible qu'il leur parlât de son amour pour la Constitution avec une ironie aussi insultante, ne seraient-ils pas en droit de lui répondre :

Ô roi, qui sans doute avez cru, avec le tyran Lysandre, que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge, et qu'il fallait amuser les hommes par des serment comme on amuse les enfants avec des osselets ; qui n'avez feint d'aimer les lois que pour conserver la puissance qui vous servirait à les braver ; la Constitution, que pour qu'elle ne vous précipitât pas du trône, où vous aviez besoin de rester pour la détruire ; la nation, que pour assurer le succès de vos perfidies, en lui inspirant de la confiance, pensez-vous nous abuser aujourd'hui avec d'hypocrites protestations ? Pensez-vous nous donner le change sur la cause de nos malheurs par l'artifice de vos excuses et l'audace de vos sophismes ? Était-ce nous défendre que d'opposer aux soldats étrangers des forces dont l'infériorité ne laissait pas même d'incertitude sur leur défaite ? Était-ce nous défendre que d'écarter les projets tendant à fortifier l'intérieur du royaume, ou de faire des préparatifs de résistance pour l'époque où nous serions déjà devenus la proie des tyrans ? Était-ce nous défendre que de ne pas réprimer un général qui violait la Constitution, et d'enchaîner le courage de ceux qui la servaient ? Était-ce nous défendre que de paralyser sans cesse le gouvernement par la désorganisation continuelle da ministère ? La Constitution vous laissa-t-elle le choix des ministres pour notre bonheur ou notre ruine ? Vous fit-elle chef de l'armée pour notre gloire ou notre honte ? Vous donna-t-elle enfin le droit de sanction, une liste civile, et tant de grandes prérogatives pour perdre constitutionnellement la Constitution et l'empire ? Non, non, homme que la générosité des Français n'a pu émouvoir, homme que le seul amour du despotisme a pu rendre sensible, vous n'avez pas rempli le vœu de la Constitution ! Elle est peut-être renversée ; mais vous ne recueillerez pas le fruit de votre parjure ! Vous ne vous êtes point opposé par un acte formel aux victoires qui se remportaient en votre nom sur la liberté, mais vous ne recueillerez point le fruit de ces indignes triomphes ! Vous n'êtes plus rien pour cette Constitution que vous avez si indignement violée, pour ce peuple que vous avez si lâchement trahi ! »

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Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 17:23

(suite du discours)

Venant aux circonstances actuelles, je ne pense point que si nos armées ne sont pas encore entièrement portées au complet, ce soit par la malveillance du roi : j'espère qu'il augmentera bientôt nos moyens de résistance par un emploi utile des bataillons si inutilement disséminés dans l'intérieur du royaume ; j'espère aussi que la marche des Prussiens à travers les gardes nationales ne sera pas aussi triomphale qu'ils ont l'orgueilleuse démence de l'imaginer. Je ne suis point tourmenté par la crainte de voir se réaliser les horribles suppositions que j'ai faites ; cependant comme les dangers dont nous sommes investis sont grands, qu'ils nous imposent l'obligation de tout prévoir; comme les faits que j'ai supposés ne sont pas dénués de rapports très frappants avec plusieurs actes et plusieurs discours du roi ; comme il est certain que les faux amis qui l'environnent sont vendus aux conjurés de Coblentz, et qu'ils brûlent de le perdre pour transporter le succès de la conjuration sur quelqu'un de leurs chefs ; comme il importe à sa sûreté personnelle autant qu'à la tranquillité du royaume que sa conduite ne soit plus environnée de soupçons ; comme il n'y a qu'une grande franchise dans ses démarches et dans ses explications qui puisse prévenir des moyens extrêmes et les querelles sanglantes que ceux-ci feraient naître, je proposerais un message où, après les interpellations que les circonstances détermineront à lui adresser, on lui ferait pressentir les vérités que je viens de développer ; on lui démontrerait que le système de neutralité qu'on semble vouloir lui faire adopter entre Coblentz et la France serait une trahison insigne dans le roi des français, qu'il ne lui rapporterait d'autre gloire qu'une profonde horreur de la part de la nation, et un mépris éclatant de la part des conspirateurs ; qu'ayant déjà opté pour la France, il doit hautement proclamer l'inébranlable résolution de triompher ou de périr avec elle et la Constitution.

Mais en même temps, convaincu que l'harmonie entre les deux pouvoirs suffit pour éteindre les haines, rapprocher les citoyens divisés, bannir la discorde de l'empire, doubler nos forces contre les ennemis extérieurs, raffermir la liberté, et arrêter la monarchie chancelante sur le penchant de l'abîme, je voudrais que le message eût pour objet de la maintenir ou de la produire, et non de la rendre impossible; je voudrais qu'on déployât toute la fermeté, toute la grandeur qui conviennent à l'assemblée nationale et à la majesté des deux pouvoirs ; je voudrais la dignité qui impose, et non l'orgueil qui irrite ; l'énergie qui émeut, et non l'amertume qui offense ; en un mot je voudrais que, ce message, auquel j'attache la plus haute importance, fût un signal de réunion, et non un manifeste de guerre.

C'est après avoir montré ce calme qui dans les dangers est le caractère du vrai courage, que si nous sommes menacés de quelque catastrophe, ses provocateurs seront hautement désignés par leur conduite, et que l'opinion des quatre-vingt-trois départements sanctionnera d'avance les précautions du corps législatif pour assurer l'impuissance de leurs efforts. Je passe à une autre mesure provisoire que je crois instant de prendre ; c'est une déclaration que la patrie est en danger : vous verrez à ce cri, d'alarme tous les citoyens se rallier, les recrutements reprendre leur première activité, les bataillons de gardes nationales se compléter, l'esprit public se ranimer, les départements multiplier les exercices militaires, la terre se couvrir de soldats ; vous verrez se renouveler les prodiges qui ont couvert d'une gloire immortelle plusieurs peuples de l'antiquité ! Eh ! pourquoi les Français seraient-ils moins grands ? Auront-ils des objets moins sacrés à défendre ? N'est-ce pas pour leurs pères, leurs enfants, leurs épouses, pour la patrie et la liberté qu'ils combattront ? La succession des siècles a-t-elle affaibli dans le cœur humain ces sublimes et tendres affections, ou énervé le courage qu'elles inspirent ? Non, sans-doute ; elles sont éternelles comme la nature dont elles émanent, et ce ne sera pas dans les Français régénérés, dans les Français de 1789, que la nature se montrera dégradée !

Mais, je le répète, il est urgent de faire cette déclaration ; une plus longue sécurité serait le plus grand de nos dangers. Ne voyez-vous pas le sourire insolent de nos ennemis intérieurs, qui annonce l'approche des tyrans coalisés contre vous ? Ne pressentez-vous pas leurs espérances coupables et leurs complots criminels ? Seriez vous sans crainte sur le caractère d'animosité que prennent nos dissensions intestines ? Le jour n'est-il pas venu de réunir ceux qui sont dans Rome et ceux qui sont sur le mont Aventin? Attendrez-vous que, las des fatigues de la révolution, ou corrompus par l'habitude de ramper autour d'un château, et par les prédications insidieuses du modérantisme, des hommes faibles s'accoutument à parler de liberté sans enthousiasme, et d'esclavage sans horreur ? D'où vient que les autorités constituées se contrarient dans leur marche, que la force armée oublie qu'elle est essentiellement obéissante, que des soldats ou des généraux entreprennent d'influencer le corps-législatif, et des citoyens égarés de diriger, par l'appareil de la violence, l'action du chef du pouvoir exécutif ? Est-ce le gouvernement militaire que l'on veut établir ? Des murmures s'élèvent contre la cour ; qui osera dire qu'ils sont injustes ? On la soupçonne de projets perfides ; quels traits citera-t-on d'elle qui puissent dissiper ces soupçons ? On parle de mouvements populaires ; on parle de lois martiales ; on essaie de familiariser l'imagination avec le sang du peuple ; le palais du roi des Français s'est tout à coup changé en château fort ; où sont cependant ses ennemis ? contre qui se pointent ces canons et ces baïonnettes ?

Les défenseurs de la Constitution ont été repoussés du ministère ; les rênes de l'empire ont demeuré flottantes au hasard, à l'instant où pour les soutenir il fallait autant de vigueur que de patriotisme ; partout on fomente la discorde ; le fanatisme triomphe : au lieu de prendre une direction ferme et patriotique qui le sauve de la tourmente, le gouvernement se laisse emporter par les vents orageux qui l'agitent ; sa mobilité inspire du mépris aux puissances étrangères, accroît l'audace de celles qui vomissent contre nous des armées et des fers, refroidit la bienveillance des peuples qui font des vœux secrets pour le triomphe de la liberté. Les cohortes ennemies s'ébranlent, et peut-être que, dans leur insultante présomption, elles se partagent déjà notre territoire, et nous écrasent de tout l'orgueil d'un tyran vainqueur et implacable !

Nous sommes divisés au-dedans, l'intrigue et la perfidie trament des trahisons : le corps législatif oppose aux complots des décrets rigoureux, mais nécessaires, une-main toute puissante les déchire... Pour nous défendre au dehors, nos armées sont-elles assez fortes, assez disciplinées, assez perfectionnées dans cette tactique qui; plus que la bravoure, décide la victoire ? Nos fortunes, nos vies, la liberté sont menacées ; l'anarchie s'approche avec tous les fléaux qui désorganisent les corps politiques ; le despotisme seul, soulevant sa tête longtemps humiliée, jouit de nos misères, et attend sa proie pour la dévorer ! Appelez, il en est temps, appelez tous les Français pour sauver la patrie ; montez-leur le gouffre dans toute son immensité ! Ce n'est que par un effort extraordinaire qu'ils pourront le franchir ; c'est à vous de les y préparer par un mouvement électrique qui fasse prendre l'élan à tout l'empire !

Et ici je vous dirai qu'il existera toujours pour vous un dernier moyen de porter la haine du despotisme à son plus haut degré de fermentation, et de donner au courage toute l'exaltation on dont il est susceptible : ce moyen est digne de l'auguste mission que vous remplissez, du peuple que vous représentez ; il pourra même acquérir quelque célébrité à vos noms, et vous mériter de vivre dans la mémoire des hommes : ce sera d'imiter les braves Spartiates qui s'immolèrent aux Thermopyles, ces vieillards vénérables qui, sortant du sénat romain, allèrent attendre sur le seuil de leurs portes la mort que des vainqueurs farouches faisaient marcher devant eux ! Non, vous n'aurez pas besoin de faire des vœux pour qu'il naisse des vengeurs de vos cendres ; ah ! le jour où votre sang rougira la terre, la tyrannie, sa gloire, ses palais, ses protecteurs, ses satellites s'évanouiront à jamais devant la toute puissance nationale et la colère du peuple ! Et si la douleur de n'avoir pu rendre votre patrie heureuse empoisonne vos derniers instants, vous emporterez du moins la consolation que votre mort précipitera la ruine des oppresseurs du peuple, et que votre dévouement aura sauvé la liberté.

Je propose de décréter :

1° Que la patrie est en danger ;
2° Que les ministres sont responsables des troubles intérieurs qui auraient la religion pour prétexte ;
3° De toute invasion de notre territoire, faute de précaution pour remplacer à temps le camp dont vous aviez décrété la formation.

Je propose ensuite un message au roi, une adresse aux Français, pour les inviter à prendre les mesures que les circonstances rendent indispensables.

Je propose en quatrième lieu, que, le 14 juillet, vous alliez en corps à la fédération, renouveler le serment du 14 janvier. Je propose enfin que la copie du message au roi, l'adresse aux Français et le décret que vous rendrez à la suite de cette discussion, soient portés dans les départements par des courriers extraordinaires.

Je demande surtout un prompt rapport sur la conduite du général La Fayette. »

(Fin du discours)
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