Forum sur la Gironde & Manon Roland
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Fauchet sur les prêtres non sermentés

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Fauchet sur les prêtres non sermentés Empty Fauchet sur les prêtres non sermentés

Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 22:10

Discours de Fauchet devant la Législative, le 26 octobre 1791 sur les prêtres non sermentés.

« Messieurs, une loi définitive qui réprime efficacement la révolte des prêtres réfractaires contre la constitution, et qui fasse cesser les troubles qu'ils excitent dans toutes les parties de l'empire est urgente ; mais il faut combiner cette loi avec les droits de l'homme et du citoyen, avec la liberté des opinions, avec la liberté de la presse, avec la liberté des cultes, avec toutes les libertés : il faut donc ici une grande mesure de tolérance, de justice, de sagesse et de force. Point de persécution, Messieurs, le fanatisme en est avide, la philosophie l'abhorre, la vraie religion la réprouve, et ce n'est pas dans l'assemblée nationale de France qu'on l'érigera en loi. Gardons nous d'emprisonner les réfractaires, de les exiler, même de les déplacer ; qu'ils pensent, disent, écrivent tout ce qu'ils voudront : nous opposerons nos pensées à leurs pensées, nos vérités à leurs erreurs, nos vertus à leurs calomnies, notre charité à leur haine.

Ainsi, et seulement ainsi, nous assurerons dans l'esprit public notre triomphe et leur défaite. En attendant cet infaillible succès, qui ne peut être que l'ouvrage du temps et l'effet de la progression des lumières, il faudrait trouver un moyen efficace et prompt pour les empêcher de soulever les faibles esprits contre les lois, de souffler la guerre civile, d'entretenir le désir et l'espoir d'une contre-révolution : ce n'est pas là une religion, Messieurs, c'est la plus grande des impiétés ; elle est intolérable, puisqu'elle tend à la dissolution de l'ordre social, et qu'elle ferait du genre humain un troupeau de bêtes féroces. Le fanatisme est le plus grand fléau de l'univers ; il faut l'anéantir : la liberté n'est pas compatible avec cet asservissement brutal qui sanctifie la haine et déifie les tyrans. Voyez à quelles horreurs se portent au nom de Dieu ces détestables arbitres des consciences abusées, et comme ils réussissent à leur inoculer la rage contre leurs frères comme la plus sainte des vertus ! Ils voudraient nager dans le sang des patriotes : c'est leur douce et familière expression.

En comparaison de ces prêtres les athées sont des anges. Cependant, Messieurs, je le répète, tolérons-les ; mais du moins ne les payons pas pour déchirer la patrie : c'est à cette unique mesure que je réduis la loi réprimante que nous devons porter contre eux. Je soutiens que la suppression de toute pension sur le trésor national pour les prêtres non assermentés est juste, convenable et suffisante ; je mets la justice avant les convenances et les avantages ; car une loi qui serait opportune et utile, si elle n'était juste, devrait être réprouvée. Nous n'irions pas brûler la flotte des alliés sur l'avis de Thémistocle, nous nous rangerions à l'opinion d'Aristide : prouvons donc d'abord l'équité de cette loi.

Il n'est rien dû par l'État aux prêtres non-assermentés. A quel-titre possédaient-ils des revenus de bénéfices ? A titre d'office, c'est leur propre loi canonique, et cela est incontestable en principe : qui ne fait rien dans l'Élise n'a droit à rien dans l'Église ; qui ne sert pas la nation ne doit pas être payé par la nation. Comment se pourrait-il donc que celui qui invoque la destruction des lois et prépare la ruine de la patrie eût des titres à ses largesses ? Ils avaient des offices qu'on leur a ôtés.... Faux ; ce sont eux qui les ont quittés librement par haine des lois. Ils ont suivi leur conscience .... Leur conscience, qui les pousse aux dernières mesures du crime contre la liberté publique ! Faut-il une solde pour une pareille conscience ?

Cette conscience infernale, la patrie la supporte ; c'est le dernier excès de la tolérance : la payer encore, c'est une inique absurdité. La loi constitutionnelle met au rang des dettes de la nation leur traitement convenu... Si cela était, Messieurs, il ne serait pas possible de le supprimer, si ce n'est pour chacun des coupables en particulier, et par voie de confiscation prononcée dans les tribunaux selon les formes judiciaires établies ; heureusement cela n'est point, il n'est pas question d'eux dans l'article constitutionnel qu'on invoque en leur faveur ; le voici cet article : Le traitement des ministres du culte catholique pensionnés, conservés, élus ou nommés en vertu des décrets de l'assemblée nationale constituante, fait partie de la dette nationale.

Or, il est manifeste que la loi ne peut pas les considérer comme ministres du culte catholique, dont elle a mis les salaires au nombre des premières dettes de la nation ; elle ne reconnaît pas deux cultes catholiques ; cela est même contradictoire dans les termes ; le culte dont elle reconnaît et salarie les ministres est celui qui est exercé par les fonctionnaires publics avoués et constitués par elle ; les prêtres réfractaires ne sont donc pas considérés par la loi comme ministres du culte catholique qu'elle veut et doit payer. Si ces ennemis de la constitution civile du clergé veulent exercer un culte opposé à celui des prêtres constitutionnels, c'est leur affaire personnelle et celle des disciples abusés qu'ils pourront séduire ; la loi ne s'en mêle pas, si ce n'est pour en protéger la liberté, et mettre ceux qui auront la fantaisie de le suivre à l'abri de toute insulte. La nation permet tous les cultes, mais elle n'en paie qu'un : celui-là seul dont elle avoue et constitue les ministres comme des fonctionnaires est à sa solde ; elle ne reconnaît donc pas dans sa constitution d'autres ministres du culte catholique à sa charge : il n'est point de sophisme qui puisse obscurcir cette évidence.

(suite...)


Dernière édition par le Mar 17 Jan 2006 - 10:45, édité 1 fois
Bart
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Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 22:11

(suite..)

On objectera cependant encore que si leur traitement n'est pas assuré par l'acte constitutionnel, il l'est du moins par les lois réglementaires, qui leur ont alloué des pensions, et qui n'ont pas exigé la prestation du serment pour qu'elles leur soient payées .... Mais vous savez, Messieurs, que l'assemblée constituante elle-même a élevé plusieurs fois la question de revenir sur ces lois réglementaires, et d'abolir une charge publique qui pèse sur la nation sans profit pour elle, sans droit de justice pour ceux qui en jouissent, et contre toute convenance à l'égard de ceux qui en abusent ; elle a eu un soin très attentif de ne rien mettre dans l'acte constitutionnel qui pût lier les législateurs prêts à lui succéder, et par cette attention remarquable, elle leur a indiqué une suppression que les circonstances pouvaient rendre bientôt nécessaire et urgente.

Les moments sont arrivés, et, après avoir démontré la justice de cette mesure, je vais en développer maintenant les convenances.

Il convient beaucoup à la nation de se délivrer d'une surcharge de trente millions de rente qu'elle paie déraisonnablement à ses plus implacables ennemis ; il est même impossible d'imaginer une convenance plus sensible : pourquoi des phalanges d'anciens fonctionnaires qui ont abjuré la patrie, des légions de moines et de chanoines qui n'ont jamais rien fait d'utile au monde, et qui travaillent aujourd'hui dans les ténèbres à renverser l'édifice des lois ; des cohortes d'abbés, prieurs et bénéficiés de toute espèce, qui n'étaient auparavant remarquables que par leur afféterie, leur inutilité, leur intrigue, leur licence, et qui le sont maintenant par un fanatisme affecté, par une fureur active, par des complots affreux, par une haine implacable contre la liberté d'autrui; pourquoi toute cette armée d'adversaires furibonds du bien public et de contempteurs insolents de la majesté nationale serait-elle stipendiée sur les fonds nationaux ? Il y aurait plus que de l'inconvenance : ce serait de la déraison. Ajoutez à cette considération celle des conjonctures cruelles où, par l'effet de leurs suggestions perfides, se trouve placée la patrie ! Ils ont encouragé les émigrations, le transport du numéraire, et tous les projets hostiles conçus ou préparés contre elle. Allez, ont-ils dit aux ci-devant nobles, allez, épuisez l'or et l'argent de la France ; combinez au dehors les attaques, pendant qu'au-dedans nous vous disposerons d'innombrables complices : le royaume sera dévasté, tout nagera=dans le sang mais noirs recouvrerons nos privilèges !

Abîmons tout plutôt ! c'est l'esprit de l'Église.

Dieu bon, quelle Église ! Ce n'est pas la vôtre ; et si l'enfer peut en avoir que parmi les hommes, c'est de cet esprit qu'elle doit être animée ; et ils osent parler de l'Évangile, de ce code divin des droits de l'homme qui ne prêche que l'égalité, la fraternité, qui dit : Tout ce qui n'est pas contre nous est avec nous ; annonçons la nouvelle de la délivrance à toutes les nations de la terre : malheur aux riches et aux oppresseurs ! N'invoquons point les fléaux contre les cités qui nous dédaignent ; appelons-les au bonheur de la liberté par le doux éclat de la lumière.

Les prêtres ennemis des lois ont tenu un langage opposé, et ce qu'ils ont dit d'horrible contre leurs concitoyens, ils l'ont fait ; ils appellent tous les malheurs contre la France ; ils l'investissent de malédictions ; ils lui suscitent des ennemis jusqu'aux extrémités de l'Europe ; ils fondent son numéraire au feu du fanatisme, et le font couler jusqu'à épuisement hors de son enceinte. Qui donc osera dire qu'il faut encore les soudoyer, et qu'il ne convient pas à la patrie de se soulager de tant de millions pris dans son trésor, et prodigues à ces ingrats ? On parle de la générosité de la nation française ; mais ce n'est point de la générosité, c'est de la stupidité. II vaut mieux sans doute enrichir nos caisses pour salarier nos nombreux indigents, que de nous réduire à la détresse pour continuer des dons insensés aux plus furieux ennemis de la liberté de la France et de la libération du genre humain.

Ils ne sont pas animés tous d'une fureur égale, il est vrai ; mais tous abhorrent nos lois, et voudraient les avoir renversées, et tous enfin sont au moins inutiles à la patrie. Or, nous avons assez de serviteurs utiles que nous ne pouvons pas payer aux termes mêmes de la justice et de l'humanité, pour que ce soit non-seulement une inconvenance, mais une immoralité, mais un crime national d'amoindrir nos ressources pour les prostituer à de pareils hommes: payons le travail, et non pas l'inutilité, et encore moins la perfidie. On s'écriera que nous allons réduire des infirmes, des vieillards à l'indigence, en supprimant le traitement de tous les prêtres oisifs et réfractaires... Non, Messieurs, non, ce n'est pas nous qui serons des inhumains : l'infirmité, la vieillesse, lors même qu'elles maudissent la patrie, recueilleront ses bienfaits ; les municipalités, les administrations de district et de département enverront les listes de ces réfractaires infirmes ou vieux ; le comité des secours présentera les projets d'une sainte allégeance à leur égard, et l'assemblée nationale décrétera la mesure convenable de la bénéficence publique envers ces faibles ennemis, qui balbutieront, s'ils le veulent encore, des imprécations contre les lois qui les protégeront avec soin et les nourriront avec amour.

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Message  Bart Jeu 15 Déc 2005 - 22:12

(suite...)

II me reste à prouver, Messieurs, que la loi qui supprimera le traitement de tous les prêtres valides, et qui ne voudront servir la patrie dans aucune des fonctions qu'elle salarie avec les fonds publics, est suffisante : sa justice et sa convenance sont assez démontrées ; son efficacité seule pour contenir les réfractaires, et faire cesser les troubles qu'ils excitent, permet des doutes. Essayons de vous convaincre, de la suffisance de cette loi.

D'abord, par l'effet de ce décret, la moitié au moins de l'armée du fanatisme va disparaître : les chanoines, les moines, les bénéficiés simples, qui, considérés à juste titre comme des ecclésiastiques sans fonctions, n'avaient pas été obligés à prêter le serment, et avaient cependant conservé des traitements fort bons, penseront à deux fois au sort qui les attend, s'ils se constituent définitivement et légalement réfractaires ; vous en verrez les trois quarts revenir de bonne grâce à la patrie, jurer à haute voix de lui être fidèles ; demander des fonctions constitutionnelles aux départements et aux évêques, et bien satisfaits de conserver le tiers de leur traitement avec le salaire de leur place de curé ou de vicaire. De là double avantage : deux tiers de traitements gagnés pour le trésor public, et des fonctionnaires, que la nécessité autant que le devoir rendront très attentifs à conserver leurs places, trouvés enfin pour une immense quantité de paroisses qui restent au dépourvu, ou que les réfractaires encore en exercice soulèvent à plaisir contre les lois.

Il faut en convenir, la plupart des ci-devant fonctionnaires révoltés contre la constitution, et un quart peut-être des anciens oisifs du clergé, brûlés d'un fanatisme ardent, resteront cuirassés dans leur prétendue conscience et obstinés dans leur fureur ; mais la faim chassera bientôt ces loups dévorants d'une bergerie où ils ne trouveront plus de pâture ; les fidèles, désabusés par deux grands moyens de lumière, le bon sens et l'intérêt, ne voudront pas longtemps payer un culte qu'ils peuvent avoir plus commodément, plus majestueusement et pour rien dans les mêmes temples où ils l'ont toujours exercé ; ils reviendront sur les tombeaux de leurs pères, dans leurs églises natives, et aux rites solennels qui firent leur édification dès l'enfance ; les habitants sensés des campagnes ne voudront plus entendre des prêtres toujours écumant de rage, ni boursiller continuellement pour payer un culte sans pompe et des prédications sans charité : l'évangile de la concorde générale, l'évangile des saintes lois sera annoncé pas les ministres constitutionnels, et toutes les âmes sincères en recueilleront avidement la doctrine. Ainsi la sanction du ciel sera donnée aux fraternelles institutions de la liberté ; on goûtera la simplicité des mœurs, l'unité des principes, le charme de l'union et le bonheur de la paix.

Dans les premiers moments, je l'avoue, ces restes de prêtres effrénés et affamés, ennemis de la révolution, redoubleront leurs cris, et trouveront quelques dupes qui soudoieront leur religion de haine, et seconderont leur fanatisme implacable ; mais quelques grands exemples de justice légale contre les instigateurs des troubles frapperont leurs disciples imbéciles d'une utile terreur ; ils sentiront soudain qu'il vaut mieux garder leur argent, et respecter l'ordre public, que s'appauvrir pour des brouillons, et s'exposer, en partageant leurs crimes, à la vengeance des lois. Ceux de ces prêtres moins coupables, qui se trouveront alors dénués, mais valides, seront réduits à embrasser une utile profession pour vivre : ils deviendront des commerçants ou des agriculteurs, et seront doucement surpris de se trouver ensuite eux-mêmes des citoyens.

Ne craignons point que la liste civile vienne à leur secours : on en a besoin pour d'autres usages ; elle ne suffirait pas pour soudoyer dans les diverses contrées de l'empire les prédicateurs de la contre-révolution, qui ne savent garder aucune mesure. D'ailleurs soyons assurés, Messieurs, que le roi, la reine, et ce qu'il y a d'hommes éclairés dans le conseil, ne veulent pas plus que nous une contre-révolution, dans laquelle ils n'auraient rien à gagner, et courraient risque de tout perdre...

La constitution élève le trône assez haut ; les méchants et les conspirateurs parlent du roi des Français avec assez d'insolence, pour qu'il lie d'une manière intime ses intérêts avec ceux de la constitution, et sa sécurité avec celle de la patrie ; il se dégoûtera bientôt des prêtres fanatiques qui torturent sa conscience, des vils courtisans qui mettent leur noblesse à ramper devant lui, des bas valets qui l'outragent, en le traitant toujours comme un despote ; il se débarrassera de toute cette vermine de la couronne, et mettra sa pure, son immortelle gloire à se montrer le digne chef de la plus grande de la plus libre des nations. Le fanatisme ne sera donc plus soutenu par l'erreur de la cour, ni par l'imbécillité populaire : nous l'aurons mis à nu ; ses convulsions hideuses le rendront un objet d'horreur à tout le monde ; il s'anéantira dans son impuissance... »

(Fin du discours)
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