Forum sur la Gironde & Manon Roland
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Note perso sur les origines de l'idéologie Girondine

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Message  Bart Lun 20 Juil 2009 - 10:18

Clavière a-t-il influencé Brissot (*) dans sa quête d'un régime idéale? En tout cas, dans ses mèmoires, Brissot disait, qu’il lui doit son éducation en matière de républicanisme. (Mémoires de Brissot, 1754-1793, publiés avec études critiques et notes, 2 vol., Paris, 1911, Claude Perroud éd, II, pp.28-29).

Brissot considérait Clavière comme un joyau intellectuel, dont les idées n’attendaient que d’être taillées et polies par ses soins afin de révéler aux yeux de tous leur génie. De plus, il faisait son éloge de démocrate constant, d’homme qui "connaissait mieux l’humanité” que Brissot lui-même, et qui avait “sacrifié sa fortune, son temps et sa vie au peuple". Il proclamait que Clavière “aimait passionnément la démocratie” et avait investi toute son énergie intellectuelle à examiner “les droits des peuples, leurs intérêts et les moyens d’augmenter leurs ressources et leur perfectibilité morale”. Bref, Clavière était selon Brissot, l’intellectuel républicain démocrate le plus éminent de son époque.

Sa première collaboration avec Brissot fut rédigée depuis son refuge de Neuchâtel, cet ouvrage, Le Philadelphien à Genève, attaquait le despotisme aristocratique qui d’après eux avait été imposé à Genève, et ce au nom de principes démocratiques représentés également par les révolutionnaires américains et genevoise. Le livre défendait " le besoin d’une constitution équilibrée, telle que Montesquieu l’avait expliquée, en prouvant que dans de petits États il était absolument nécessaire d’avoir un conseil et une législature généraux, comprenant tous les citoyens mâles, afin de contrôler l’Exécutif. La liberté républicaine n’existait que si le conseil général était souverain. C’était là le cœur même de l’ancienne constitution de Genève qui avait été rédigée suivant le principe selon lequel plus le pouvoir législatif était démocratique, moins la liberté courait de danger".

Tandis que dans leur argument en faveur des formes politiques républicaines, leur inspiration venait de Montesquieu, c’est leur lecture de Rousseau qui hante leur préoccupation centrale, à savoir la défense des principes républicains. La persécution de Rousseau (*****) par les aristocrates de France et de Genève était le symbole de leur alliance. Rousseau avait repris les vieux arguments en faveur des formes républicaines et les avait universalisés comme théorie générale de légitimité dans le Contrat social. La liberté ne devait plus être l’apanage d’États particuliers mais devenait le principe d’application universelle, et dans la pratique, cela signifiait que tout peuple éclairé avait le droit de résister à l’oppression. Brissot affirmait que les Américains exerçaient leur droit naturel contre le parlement britannique ; il était du devoir des Genevois, dont les formes étaient prétendument démocratiques, de l’utiliser contre le Petit Conseil.Les écrits et la personne de Rousseau étaient utilisés comme faire-valoir dans une attaque contre l’aristocratie, condamnant les mœurs telles que le luxe, la dépendance, la frivolité, l’oisiveté et la vénalité. Ces dernières soutenaient la liberté et l’égalité civile tout en s’opposant à une hiérarchie sociale et aux privilèges. Elles représentaient le zèle au travail, la sobriété et la frugalité, l’indépendance et la fraternité. Clavière et Brissot affirmaient que la plus grave erreur de l’aristocratie genevoise avait été d’abâtardir les mœurs républicaines qui garantissaient la stabilité des petits États. Elle avait encouragé l’oisiveté et le luxe, un égocentrisme excessif et tous les vices associés à la hiérarchie et à l’immoralité. Ce faisant, elle avait semé les graines de la révolution en corrompant les mœurs républicaines qui cimentaient la société genevoise. En fait, en minant la sécurité des mœurs genevoises, l’aristocratie avait détruit l’essence de Genève. Il ne restait plus aux représentants de la vertu genevoise que de se retirer vers une Nouvelle Genève pour que la nature autodestructrice de ces manœuvres devienne évidente.

En 1787, Brissot & Clavière attaquaient dans Les Observations d’un Républicain exigeaient les États généraux afin de réaffirmer les anciens droits souverains du peuple français, les stratégies réformistes de Necker et Turgot pour leur incapacité à répondre aux maux du royaume. L’Administration des finances de Necker fut prise à parti parce que l’auteur soutenait les travers qui avaient corrompu la France, le pouvoir excessif du monarque et de ses ministres. Il fut également accusé d’emprunter les idées des écrits de Le Trosne rédigés en 1778. Selon eux, le but caché de Necker était de débarrasser le roi des Parlements en créant des assemblées pour les riches et les propriétaires terriens qui restaient cependant totalement dépendantes des Intendants. La cause du clivage était que les Intendants, les nobles et le roi, qui pouvaient augmenter les impôts, lever des troupes ou réduire en toute impunité des hommes à l’esclavage, exerçaient leurs intérêts privés, et là était tout le problème. Augmenter les pouvoirs des intendants amènerait la France au bord de la guerre civile. C’était là le défaut de toutes les monarchies, elles engendraient la division :"L’autorité est tout, le peuple n’est rien – Tel est le système de presque tous les gouvernements monarchiques"

Et enfin, la dernier collaboration de Clavière & Brissot, publié en 1788, cherchait à appliquer à la France les idées écrivains britanniques qui s’efforçaient de combattre le despotisme ministériel. De la France et des États-Unis (**) expliquait pourquoi la France n’avait pas réussi à récolter les bénéfices escomptés de la victoire lors de la guerre contre les Britanniques en Amérique. Cet écrit affirmait qu’il manquait à la France les mœurs commerciales nécessaires à la prospérité et à la paix. "Quant à nous, nous avons triomphé, et depuis la paix, l’honneur du triomphe est presque le seul gain que nous ayons fait. Nos lois et nos mœurs s’opposent à ce commerce [étranger]." Le but de Clavière et de Brissot était de combler cette ignorance, de combattre les préjudices d’un “vieux peuple” obsédé par les arts et les sciences frivoles, le luxe et une moralité dissolue. Clavière et Brissot soutenaient que "la science de l’homme a à peine touché la société et l’état civil". Le problème était que la culture française était orientée vers la littérature et les sciences exactes plutôt que vers “la science de nos relations civiles”. Les écrivains français qui avaient traité de l’Amérique comme Mably, Mirabeau et Raynal avaient exacerbé le problème en se concentrant sur un républicanisme ancien et non moderne : "Ils étaient trop pleins d’enthousiasme pour les républiques de la Grèce pour pouvoir écrire sans préjugé sur la république américaine, dont la constitution est infiniment supérieure, ou plus précisément complètement étrangère à celle de la Grèce". Montesquieu et d’autres écrivains en France et en Grande-Bretagne avaient soutenu avec force qu’une monarchie exigeait une noblesse et que c’étaient les préjugés de cette classe qui avaient limité le développement commercial en France. Il était donc nécessaire, d’après Clavière, de détruire la noblesse et de créer une société basée sur le talent, le mérite et la vertu. Le premier moyen d’atteindre cet objectif était de promouvoir la liberté d’expression et de pensée, puisqu’elles contribueraient à la création d’un public éclairé. De plus, Clavière et Brissot affirmaient que la liberté du commerce signifierait le développement d’industries correspondant au mieux à la nature des conditions économiques particulières à chaque nation. La France semblait naturellement favorable aux manufactures étant donné la taille de sa population non rurale.


En résumé, l'idéologie Girondine se démarque des autres sur le point de vue de la morale. Le pouvoir monarchique devait être condamnée en tant que tel car il ne pouvait être "qu'intrinsèquement amoral quelques que fussent les qualités du souverain " & " cette perversion fondamentale entraînait par voie de conséquence d'immoralité de l'ensemble du corps social " (***) ; c'est à dire la source de tous les malheurs individuels ou collectifs. Transformer la société afin de lui apporter le bonheur impliquait donc non seulement de changer de régime, mais surtout d'exercer le pouvoir de manière totalement & irréprochablement morale. Ce n'était pas juste le fait de rester honnête en résistant aux multiples tentations grandes ou petites, engendrés par l'extérieur (****) ; plus fondamentalement, la question était de gouverner dans la transparence, en vue du seul intérêt collectif, en s'appuyant sur les grands principes des Lumières (Montesquieu & Rousseau). (*****)

Peut-on dire que leur républicanisme contribua de façon primordiale à l’évolution de la république démocratique moderne? Car, Clavière et Brissot furent deux figures majeures dans l’évolution du républicanisme ; mais en tant qu’idéologie, elle fut détruite comme tant d’autres par leurs adversaires.


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(*) Rappelons que les adversaires de Brissot le taxaient de chef de la Gironde, titre dérisoire dont lui-même s'étonna, "moi chef de la Gironde ? il y a six mois qu'on me donne ce rôle & je suis encore à douter si l'auteur de cette ridicule parade a voulu faire une plaisanterie ou une atrocité". Parmi les Girondins, il faisait figure, non pas de chef, mais de précurseur & de guide ou d'animateur, car ayant beaucoup voyagé dans les deux mondes, il avait tant vu, tant retenu, que les Girondins le respectaient.

notons que : Clavière, citoyen génevois, banquier, acquis aux idées libérales, fut contraint d'exiler après la défaîte de la révolution genevoise. Compagnon des heures difficiles de Brissot (il avait fait libérer celui-ci de la Bastille) ; Et c'était par gratitude que Brissot le fut nommé ministre des finance sous le ministère Girondin.


(**) Le sous-titre de cet ouvrage, était plus explicite « de l’importance de la Révolution d’Amérique pour le bonheur de la France, des rapports de ce royaume et des Etats-Unis, des avantages réciproques qu’ils peuvent en tirer de leurs liaisons de commerce, et enfin de la situation des Etats-Unis ». La société américaine y dépeint comme une société idéale où les citoyens jouissaient d’un droit de discussion libre et où tous les individus oeuvraient pour le bien être général. Il pensait que cet ouvrage inciterait les gouvernements français et même européens (car Brissot raisonne toujours à l’internationale, c’est lui qui a mis à la mode ce qu’on appelle aujourd’hui l’Eurpoe Unie ) ; à procéder à des réformes pour supprimer abus et préjugés, il mettait aussi en garde des éventuelles fuites des européens vers l’Amérique qui était prête à les accueillir dans leur immense territoire. Ce livre traitait sur des théories économiques notamment, les études sur le tabac, l’abus d’alcool, les pêcheurs , des blés et farines, les fourrures, la culture du riz, qui selon Brissot doivent être réformés, car cela amènerait de l’abus de l’esclavage. Son ouvrage a reçu beaucoup d’encouragement et de félicitation notamment de Roland, le mari de Manon Roland, spécialiste des dossiers économiques. Brissot était ravi que Roland manifeste de l’intérêt pour son livre, leur idée se rejoint sur une seule chose le libéralisme : « Nous sommes bien de votre avis sur la vraie manière de faire fleurir les manufactures, c’est que l’Etat ne s’en mêle point ».

(***) Robert Chesnais - Introduction & avant propos - index biographique de Manon Roland - edition Dagorno - 1993

(****) J-J Rousseau - du contrat social - " l'homme est bon par nature, mais la société l'a perverti "

(*****) hommage de Robespierre à Rousseau, d'après une dédicace qu'il composa plus tard après la disparition du philosophe persécuté & incompris : " homme divin! tu m'as appris à me connaître ; bien jeune, tu m'as fait apprécier la dignité de ma nature & réfléchir aux grands principes de l'ordre social. Le vieil édifice s'est écroulé ; le portique d'un édifice nouveau s'est élévé sur ses décombres et, grâce à toi, j'y ai proposé ma pierre. Reçois donc mon hommage, tout faible qu'il est, il doit te plaire ; je n'ai jamais encencé les vivants. Je t'ai vu dans tes derniers moments, et ce souvenir est pour moi la source d'une joie orgueilleuse ; j'ai contemplé tes traits augustes, j'y ai vu l'empreinte des noirs chagrins auxquels t'avaient condamné les injustices des hommes
"
Rousseau - les confessions : "l'impossibilité d'atteindre aux êtres réels me jeta dans le pays des chimères et ne voyant rien d'existant qui fût digne de mon délire, je le nourris dans un monde idéal, que mon imagination créatrice eut bientôt peuplé d'être selon mon coeur... oubliant tout à fait la race humaine, je me fis des sociétés de créatures parfaites, aussi célestes par leurs vertus que par leurs beautés, d'amis surs, tendres, fidèles, tels que je n'en trouvai jamais la-bas"

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Message  Vogesus Sam 10 Juil 2010 - 22:41

Un article intéressant au sujet de la relation intellectuelle entre Clavière et Brissot :

Whitmore Richard, Livesey James. "Etienne Clavière, Jacques-Pierre Brissot et les fondations intellectuelles de la poli­tique des Girondins (I)", Annales historiques de la Révolution française, N° 321, 2000. pp. 1-26.

On peut le consulter librement ici.
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