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Brissot : Accusation de Delessart (17/02/92)

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Brissot : Accusation de Delessart (17/02/92) Empty Brissot : Accusation de Delessart (17/02/92)

Message  Vogesus Sam 10 Juil 2010 - 21:24

Discours sur l'office de l'Empereur du 17 février 1792, et dénonciation contre M. Delessart, ministre des Affaires étrangères, prononcé à l'Assemblée nationale, le 10 mars 1792, par J.-P. Brissot

Archives parlementaires : Tome XXXIX (p.534 et s.)
Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, tome 149, n°17.


(Vifs applaudissements.)
Messieurs, vous avez renvoyé à votre Comité diplomatique l'examen de la note confidentielle de M. Delessart à M. de Noailles, du 21 janvier ; des différentes dépêches de M. de Kaunitz et enfin la réponse du roi à ces dépêches en date du 28 février.
J'examinerai d'abord la conduite que vous devez tenir à l'égard de l'empereur et ensuite le parti que vous devez prendre à l'égard du ministre des affaires étrangères.
Pour vous mettre à portée de prendre une détermination convenable, il est nécessaire de vous rappeler ici les faits principaux qui ont précédé ces dépêches.
Vous avez vu par la circulaire de l'empereur aux diverses puissances de l'Europe, du mois de juillet dernier, par son traité conclu avec le roi de Prusse le 21 juillet, par son office du 21 décembre, qu'il existait un concert formé par lui et diverses puissances contre la sûreté, contre la Constitution de la France, sur le futile prétexte de maintenir l'honneur des couronnes.
Frappés des dangers qu'un pareil concert pourrait avoir pour la France, et désirant les prévenir, vous rendîtes, le 28 janvier dernier, un décret par lequel vous invitiez le roi à. demander à l'empereur s'il entendait renoncer à tout traité qui pourrait porter atteinte à la souveraineté, à la sûreté et à l'indépendance de la nation française, et de lui déclarer qu'à défaut par lui de donner pleine et entière satisfaction sur tous ces points avant le 1er mars, son silence, ainsi que toute réponse évasive et dilatoire, seraient regardés comme une déclaration de guerre.
Ce décret a été applaudi par la nation entière, il a prouvé que l'Assemblée nationale ne se trompera jamais lorsqu'elle prendra pour guides les sentiments élevés, les résolutions fermes qu'inspire l'état d'homme libre, lorsqu'elle se montrera jalouse de l'indépendance de notre patrie et de l'honneur du nom français.
On avait tout lieu d'espérer que ce décret serait accueilli par le pouvoir exécutif : il n'y a répondu qu'avec humeur, en insinuant que vous empiétiez sur son initiative, en vous reprochant votre enthousiasme, en vous disant enfin que depuis plus de 15 jours il avait demandé à l'empereur des explications conformes à. votre intention. Qui de vous, Messieurs, n'a pas été affligé de ce message ? Vous aviez rendu un décret d'invitation, parce vous croyiez n'avoir qu'un même sentiment avec le roi ; parce que vous aviez voulu convaincre l'Europe entière de la bonne harmonie qui régnait entre les deux pouvoirs : au lieu d'un retour amical, on ne vous donne qu'une leçon déplacée, où l'aigreur et la dureté se montrent à la place du concert sur lequel vous aviez compté.
On vous reproche d'avoir mis une invitation en forme de décret, comme si la Constitution vous défendait cette forme pour les invitations, comme si cette forme de division par articles n'était pas une manière nouvelle de classer les objets.
On vous insinue que vous ayez empiété sur l'initiative du roi et violé la Constitution, puisque le Corps législatif ne peut délibérer sur la guerre que sur la proposition formelle du roi; et le ministre qui prétend vous régenter, quand il devrait s'occuper du moyen de faire naître et d'entretenir une harmonie salutaire entre les deux pouvoirs. Il oublie lui-même et la Constitution et les propositions du roi. Il oublie que si au roi seul appartient de préparer les relations extérieures, à l'Assemblée nationale appartient aussi le droit d'inviter le roi aux mesures militaires et diplomatiques qui lui paraissent nécessaires pour la dignité et la sûreté de la nation, si le pouvoir exécutif les néglige. Il oublie que, d'après la Constitution, le Corps législatif a le droit, sur la notification qui lui est faite d'hostilités imminentes, de délibérer s'il convient de provoquer la guerre ou la cessation des hostilités. Il oublie que, depuis cette notification, la marche devient nécessairement commune entre les deux pouvoirs. Il oublie qu'il avait fait deux fois cette notification.
Eh ! pourquoi, Messieurs, si l'Assemblée nationale ne pouvait pas délibérer, pourquoi lui notifiait-on l'office du 21 décembre ? Quelle singulière prétention de vouloir avertir les représentants de la nation des dangers qui la menacent, et de vouloir que l'Assemblée nationale s'interdise de. manifester son opinion sur les mesures qu'exige le péril commun ? Mais je dois vous révéler ici un fait qui prouvera la duplicité du ministère.
M. Delessart, après la notification de l'office du 21 décembre, provoqua lui-même les conférences du Comité diplomatique sur cet objet et y assista. Il eut communication du projet de décret qui vous fut proposé.
Au milieu des discussions, il lui échappa de dire qu'il avait écrit à l'empereur dans le sens de ce message. — Si vous lui avez écrit ainsi, observai-je à M. Delessart, il est inutile que l'Assemblée invite le roi à faire ce qu'il a déjà fait. — Non, répondit M. Delessart : cette invitation ne sera point inutile ; il importe de convaincre les puissances européennes, par une démarche d'éclat, que les deux pouvoirs agissent de concert.
Ce fut d'après cette sage réflexion que le projet de décret fut présenté ; et le minière qui l'avait provoqué lui-même, le fait censura amèrement par le roi ! il censure le prétendu enthousiasme de l'Assemblée, lorsque le roi lui-même, par son discours du 14 décembre, l'avait allumé ! Il le censure lorsqu'il ne pouvait ignorer que le décret de l'Assemblée nationale avait été le fruit d'une longue discussion, et le résultat de la presque unanimité des suffrages. Oui, Messieurs, l'ennemi le plus cruel de la Révolution n'aurait pu dicter au roi une conduite plus perfide, plus propre à encourager les menaces et les insultes des puissances étrangères, et c'est à ce message, n'en doutez pas, que vous devez les outrages contenus dans les diverses dépêches du ministère autrichien.
J'écarte, quant à présent, les conséquences qu'on doit tirer de cette conduite relativement au ministre des affaires étrangères. Je me borne à examiner ici ce que l'empereur a fait et ce que vous devez faire.
Le roi vous a dit, dans son message du 28 janvier, qu'il avait demandé à l'empereur, depuis plus de 15 jours, des explications conformes à celles de votre invitation. Il est étrange que l'on mette dans la bouche du roi un triple mensonge! D'abord le roi n'a pas écrit à l'empereur, car on ne nous a montré qu'une lettre de M. Delessart, qui n'est pourtant pas le roi ; ensuite la lettre de M. Delessart est du 21 janvier, c'est-à-dire antérieure de 7 jours au message du roi. Enfin la lettre de M. Kaunitz n'était pas conforme à vos intentions.
Je n'examinerai pas tout ce qu'il y a irrégulier dans la dépêche du ministre des affaires étrangères ; je me borne à considérer la marche qu'il a suivie relativement à l'empereur. Le ministre y rappelle le blâme, la conduite de l'empereur à l'égard des émigrés et de l'électeur de Trêves; il s'étonne de ce que, par crainte de l'insubordination de quelques municipalités, l'empereur ait pu donner des ordres pour protéger l'électeur de Trèves, qui était en état d'hostilité.
Il expose des doutes plutôt que nos inquiétudes sur le concert formé entre l'empereur et diverses autres puissances, sur le fameux congrès projeté pour modifier notre Constitution. Il observe qu'il n'existe aucune raison pour motiver un pareil concert.
ll convient qu'il a été une époque où la cause des émigrés, qui paraissait liée avec celle du roi, a pu exciter l'intérêt des souverains ; mais que depuis l'acceptation de la Constitution par le roi ce motif ne peut plus intéresser l'empereur. Il lui déclare que le roi désire la paix, mais qu'il désire d'être rassuré. Enfin, M. Delessart enjoint à l'ambassadeur de provoquer des explications sur trois points :
1° Sur l'office du 21 décembre;
2° Sur l'intervention de l'Empereur sur nos affaires intérieures ;
3° Enfin ce que la Majesté Impériale entend par les souverains réunis en concert pour la sûreté et l'honneur des couronnes.
Assurément, Messieurs, ce langage n'est pas celui de votre décret du mois de janvier : vous n'y demandiez pas la paix bassement. Ce langage que vous vous initiez à tenir était fier et digne d'hommes qui sentent leur grandeur et qui cependant veulent être condamnés justes. Vous ne vouliez pas qu'on fît des dissertations pour attirer d'autres dissertations. Vous ne vouliez pas des explications, mais une déclaration précise. Vous fixiez un terme, parce que vous craigniez avec raison qu'on ne vous entraînât dans une négociation interminable. Vous aviez insisté sur la circulaire du 1er novembre, sur la convention de Pilnitz, sur le traité du 25 juillet, parce que ces traités étaient contraires à votre traité d'alliance, parce qu'ils en étaient la rupture, parce que vous vouliez convaincre l'Empereur par ses propres actes ; et le ministre des affaires étrangères garde un profond silence sur ces pièces importantes ! Vous aviez annoncé le projet d'examiner le traité de 1756, dont les inconvénients vous avaient frappés ; et tel était l'objet du renvoi que vous en aviez fait au Comité diplomatique. Le ministre des affaires étrangères, malgré votre vœu, cherche dans sa lettre a convaincre l'empereur qu'il lui convient de maintenir les traités : ainsi, loin que le ministre des affaires étrangères ait écrit à l'empereur dans le sens de votre invitation, il a précisément écrit tout le contraire, excepté sur un seul point, celui du concert; mais ce point est si froidement, si lâchement discuté, on n'y oublie tellement et la dignité nationale et les convenances politiques, qu'il ne peut remplir vos intentions.
M. Delessart a peut-être cru les mieux remplir en envoyant à l'empereur vos décrets des 14 et 25 janvier dernier, car l'un est cité et discuté dans la lettre de M. Kaunitz ; et pour l'autre, il y a une allusion si frappante qu'on ne peut s'empêcher de la reconnaître.
Quoi qu'il en soit, Messieurs, examinons maintenant les réponses du ministre de l'empereur, et voyons si elles doivent nous satisfaire. Je ne parle pas de son explication sur le secours que l'empereur devait donner à l'électeur de Trèves.
Je n'examine point ici s'il est bien vrai qu'avant toute réquisition l'empereur a le premier soumis, dans ses États, la réception des émigrés français aux règles les plus strictes d'un asile innocent. Je n'examinerai point si tant de rassemblements d'ennemis faisant publiquement des exercices militaires, s'incorporant publiquement, tenant partout des discours outrageants pour la nation ou ses représentants, annonçant hautement des projets d'invasion sous la protection ou avec le secours des alliés de la France, se. parant avec affectation des signes de la rébellion, accueillis par la cour de Bruxelles, tandis que les cours nationales y étaient proscrites : je n'examine point si toutes ces circonstances étaient bien conformes aux lois d'un asile innocent, bien propres à entretenir la paix et le bon voisinage avec un ancien allié.
Je passe également sous silence le mépris que l'empereur a fait de la réquisition de ses bons offices et de ses troupes, aux termes du traité de 1756, tandis qu'il s'empressait de soutenir les préparatifs hostiles de l'électeur de Trêves ou des émigrés qui abusaient de son nom.
J'arrive à une question bien plus importante, à l'examen du concert formé entre l'empereur et les autres puissances. Ce concert a-t-il existé? Quel en a été l'objet ? Existe-t-il encore? Peut-il être funeste à la France?
Telles sont les questions dont il faut chercher la solution dans la lettre du ministre de l'empereur, solution qui doit déterminer notre résolution.
Ce concert a-t-il existé ? Le ministre autrichien l'avoue, et il le justifie en empruntant les termes mêmes de la lettre de M. Delessart. «  Il a été, disait ce dernier dans sa note du 21 janvier, une époque sans doute, où la cause des émigrés, qui semblait liée à la cause du roi, a pu exciter l'intérêt des souverains et plus particulièrement celui de l'empereur. » Le sens de ces paroles n'est pas douteux. M. Delessart, ce ministre qui veut mourir pour la Constitution, qui se plaint qu'on le calomnie, qui n'a pas pu oublier qu'avant cette époque, la Constitution avait été solennellement jurée par le roi, par tous les Français (car, qui a pu oublier la lettre écrite par M. Montmorin, au nom du roi, à toutes les puissances étrangères ?) ; M. Delessart qui n'était lui-même qu'un traître envers le roi et envers la nation, s'il a été une époque à laquelle la cause des émigrés a été liée à celle du roi, M. Delessart a donc cru légitimer toutes les conspirations qui ont eu lieu avant l'acceptation de la royauté constitutionnelle par Louis XVI.
Cette opinion, Messieurs, qui paraît avoir été celle de tout le ministère d'alors, donne la clef de sa conduite autrement inexplicable jusqu'à ce moment. Faut-il être surpris si ce ministre de l'empereur a entendu le sens de cette confidence coupable, s'il s'est emparé de cette opinion, pour justifier ce qui ne peut l'être aucunement aux yeux de la nation française, la ligue qu'il a formée avec les diverses puissances ?
Je dois, Messieurs, vous mettre ici ses paroles sous les yeux : «  Oui, dit l'empereur (ou le prince Kaunitz) c'était alors, au beau-frère et allié du roi à inviter les autres princes de l'Empire de se concerter avec lui pour déclarer à la France qu'ils regardaient tous la cause du roi très chrétien comme la leur propre ; qu'ils demandaient que le prince et sa famille fussent mis sur-le-champ en entière liberté, et qu'on leur accordât la faculté d'aller partout où ils le jugeront convenable ; qu'en réclamant pour toutes ces personnes royales l'inviolabilité et le respect auxquels le droit naturel et des gens obligent les sujets envers leurs princes, ils se réuniront pour venger avec le plus grand éclat tous les attentats ultérieurs quelconques que l'on commettrait ou que l'on se promettrait de commettre contre la sûreté, la personne, l'honneur du roi, de la reine, de la famille royale ; qu'enfin ils ne reconnaîtraient comme loi, comme Constitution légitimement établies en France, que celles qui se trouveront munies du consentement volontaire du roi, jouissant d'une liberté parfaite ; mais qu'au cas contraire, ils emploieront tous les moyens placés en leur puissance, pour faire cesser le scandale d'une usurpation de pouvoirs qui porterait le caractère d'une révolte ouverte. »
Voilà les bases de ce fameux concert. Le croirez-vous ? cette déclaration qui doit soulever l'indignation d'une nation si fière, l'empereur soutient qu'elle ne contient rien d'attentatoire à la dignité, à la sûreté et à l'indépendance du peuple français. Ainsi, Messieurs, l'empereur n'attentait pas à l'indépendance du peuple français, en s'immisçant dans les affaires de la nation française, en soutenant contre elle le chef du pouvoir exécutif ! il n'attentait pas à la souveraineté du peuple français, en l'avilissant jusqu'à traiter ses membres de sujets d'une famille, en voulant le contraindre à une inviolabilité envers ceux qui violaient sa propre souveraineté, en faisant dériver de la nature et du droit des gens une inviolabilité qui n'est qu'une faveur de la nation ! Il n'attentait pas à la sûreté de la nation, en la menaçant de sa vengeance et de celle de toutes les puissances européennes, si elle voulait continuer des changements à l'égard de la royauté, en qualifiant ces changements de révolte et d'insubordination ! ll n'attentait pas à la souveraineté de la nation, en prescrivant des bornes à ses innovations; en lui déclarant que lui, que tous les princes, ne reconnaîtraient comme lois constitutionnellement établies en France, que celles qui seraient émanées du consentement volontaire du roi : c'est-à-dire, Messieurs, qu'il violait ici, tous les principes de notre Constitution; car, d'après ces principes, tout pouvoir vient du peuple ; ce peuple a droit de changer sa Constitution et d'y faire telles innovations que bon lui semble, et, pour faire ces innovations, il n'a besoin du consentement de personne. C'est en conséquence de ce principe que l'acceptation de la Constitution par le roi était indifférente, inutile, à son complément, et qu'elle n'était nécessaire que pour lui, que pour constater qu'il acceptait la royauté constitutionnelle. (Applaudissements.)
Telle est, cependant, la déclaration que le ministre de Léopold prétend justifier par tout ce que les principes du droit des gens ont de plus sacré. Quel est donc ce prétendu droit des gens devant lequel doit se plier le droit que la nature donne à tous les hommes ? C'est le droit des despotes. Ce n'est pas même le droit que le ministre cite, parce que le droit des gens n'embrasse que les rapports des nations entre elles, et non pas les rapports des membres d'une société avec ceux qui les gouvernent. Et c'est sur un droit tyrannique aussi visiblement usurpé, c'est sur un sophisme aussi mal fondé, que le ministère autrichien s'appuie pour justifier la ligue ! Comment, dit-il, peut-on caractériser ce concert de ligue contre la France, lorsque son seul but était de venir à l'appui de l'inviolabilité du roi et de la monarchie française, reconnue par la Constitution ? Eh ! Messieurs, qui peut-être dupe d'un subterfuge aussi misérable ? Je l'adopte, pour un moment, et je demande qui a donné à Léopold la mission de défendre, de protéger, les armes à la main, cette inviolabilité ? Est-ce le peuple ? Non. Le peuple français n'a pas besoin des secours étrangers pour soutenir sa Constitution, son bras seul suffira. Est-ce le roi lui-même ? Mais il n'aurait pu, sans crime, invoquer l'appui de l'empereur contre la France.
Le ministre autrichien avoue, il est vrai, que d'après l'acceptation du roi, il convenait que Léopold proposât lui-même aux autres puissances, par sa circulaire du 1er novembre, de suspendre le concert, par la vraisemblance, ajoute-t-il, que cette acceptation avait été volontaire, et par l'espoir que les dangers qui menaçaient la liberté, l'honneur et la sûreté de la famille royale, ainsi que la conservation du gouvernement monarchique en France, cesseraient à l'avenir. Ce n'est, ajoute-t-il, que dans le cas où le péril se renouvellerait que la part active du concert est insérée dans la note du 1er novembre. Observez, Messieurs, que Léopold ne croit pas à la vérité, mais à la vraisemblance de l'acceptation du roi, et ce mot doit vous donner un grand trait de lumière en le rapprochant de l'office du 5 juillet 1791, on Léopold dit ne reconnaître pour lois constitutionnelles que celles émanées du consentement du roi.
Avec ce mot on se réserve la faculté de revenir sur le passé et d'avoir un prétexte de guerre; et cette lettre même en offre la preuve ; car malgré les phrases longues et entortillées dont le ministre autrichien s'enveloppe, il est évident que le concert entre l'empereur et les puissances existe toujours, est en pleine activité; je dois encore vous mettre sous les yeux un autre passage frappant qui vous en convaincra :
« Tant que, dit Léopold, l'état intérieur de la France, au lieu d'inviter à partager l'augure favorable de M. Delessart sur la renaissance de l'ordre, l'activité du Gouvernement et la puissance des lois, manifestera au contraire des symptômes d'inconstance et de fermentation, les puissances armées de la France auront le plus sujet de craindre pour le roi et la famille royale le retour des mêmes extrémités qu'ils ont éprouvées, et pour la France, de la voir replongée dans le plus grand des maux dont un grand État puisse être affligé, l'anarchie populaire ; mais c'est aussi celui des maux le plus contagieux pour les autres peuples, et tandis que plus d'un État étranger a déjà fourni les plus funestes exemples de ces droits, il faudrait pouvoir contester aux autres puissances le même droit de maintenir leur Constitution, que la France réclame pour la sienne, pour ne pas convenir qu'il n'a jamais existé d'alarmes et de concert général plus légitime, plus urgent, plus essentiel à la sûreté française. »
Ainsi, Messieurs, il est évident, d'un côté, que l'empereur, au mois de juillet 1791, a formé une ligue pour défendre la cause du roi des Français, lui maintenir la couronne, empêcher les innovations, s'immiscer dans la Constitution et dans les affaires intérieures de la France. Il est évident, d'un autre côté, de l'aveu même du ministre autrichien, que ce concert existe encore, qu'il est encore en pleine activité. Il est donc évident que l'empereur, loin de le faire cesser, permet que son ministère nous déclare positivement qu'il se croit obligé tant pour son intérêt personnel que pour celui du roi des Français, d'y persévérer.
Ainsi, loin que l'empereur vous ait donné satisfaction, loin qu'il vous ait fait la déclaration que vous aviez invité le roi de lui demander, il repousse, au contraire, toute idée de satisfaction; il adhère plus que jamais à cette ligue qui vous paraissait alarmante et contraire à notre sûreté, à notre dignité, à, notre indépendance. Donc, d'après l'article 4 du décret du 25 janvier, l'empereur tombe dans le cas de la guerre, ou vous tomberiez en contradiction avec vous-mêmes ; car, rappelez-vous, Messieurs, que vous avez annoncé que vous regarderiez comme déclaration de guerre toute réponse évasive et dilatoire : or, ici il n'y a pas même de réponse évasive et dilatoire, la réponse est claire, la réponse est un refus joint à des menaces et à des outrages.
Voulez-vous, Messieurs, une dernière preuve de la persévérance de l'empereur dans sa ligue avec les puissances ? Il vient de conclure un nouveau traité définitif avec le roi de Prusse, traité qui a été signé le 7 février dernier, dont on a annoncé la prochaine notification officielle à votre ministère. Ce traité repose sur les mêmes bases que les précédents. Les princes, dit-on, ne cherchent qu'à se garantir des effets de votre Révolution et d'une attaque de la France ; mais comment peut-on croire que ces princes craignent sérieusement les attaques d'une nation qui ne veut que la justice, qui ne veut pas de conquête, point d'agression, et à qui sa propre situation commande la tranquillité ? Ce prétexte de défense n'est donc invoqué par les princes que pour couvrir un réel projet d'attaque : une ligue formée pour se défendre de qui ne veut point attaquer est par trop absurde : c'est donc une véritable ligue offensive, ou elle n'aurait pas d'objet. Ces faits et ces raisonnements me paraissent suffisants pour vous convaincre des intentions hostiles de l'empereur. Je ne parle pas ici de ces diatribes contre les républicains et les jacobins ; ces déclamations appartiennent plus à un esprit de parti français qu'à l'esprit et aux intérêts de l'empereur ; et si des traits d'ignorance prouvent que le ministère autrichien est étranger aux détails de notre intérieur, des traits sarcastiques et son opiniâtreté à poursuivre nos sociétés populaires, prouvent qu'il n'est pas étranger aux vues, aux haines de certains partis. Enfin, Messieurs, ces déclamations prouvent que Léopold est trompé sur notre situation, qu'il sert, peut-être sans le savoir, d'instrument à des hommes méprisables qui veulent plutôt se venger que le servir.
Les rois sont-ils donc condamnés à ne jamais connaître la vérité ? Comment l'empereur n'a-t-il pas reconnu dans notre Révolution l'empire de cette philosophie qu'il a lui-même cultivée? Comment n'a-t-il pas vu que cette Révolution, qui n'est pas, comme les anciennes, seulement - au profit de quelques individus, mais d'une nation entière, qui, ayant cette nation pour appui, ne peut être renversée en un moment avec des moyens ordinaires, ni par de misérables intrigues ? Comment n'a-t-il pas vu que dans une pareille révolution, les sociétés particulières n'ont pas l'influence qu'il leur prête, ou que si elles l'ont, c'est que toute la nation est dans ces sociétés ? Enfin, comment n'a-t-il pas jugé sa position et la nôtre, et n'a-t-il pas pris le seul parti qui lui convenait, pour conserver la tranquillité dans ses États ? Léopold devait, par politique même, se montrer avec franchise et loyauté ; il devait dire à la nation française :Vous avez changé la forme de votre gouvernement : le roi adopte ces changements ; je suis loin de les blâmer; je veux rester votre ami, votre allié. Vous avez des embarras ; mes moyens sont à vous ; des ennemis vous menacent, je les combattra. Comme roi, je devrais haïr votre Révolution, comme homme je dois la bénir et préparer nos peuples à en sentir les bienfaits. C'est ainsi, Messieurs, que Léopold aurait affermi son trône à l'ombre même de notre Révolution. Il n'a fait que l'ébranler avec ses déclamations contre vous et votre Révolution. (Applaudissements.) Descendre à une justification serait indigne de vous. D'un côté, tous vos actes prouvent la fidélité religieuse avec laquelle vous avez maintenu la Constitution, et de l'autre vous n'êtes point les vengeurs des sociétés populaires. Sont-elles utiles à la liberté ? Vous devez les protéger. S'écartent-elles de la loi ? Vous saurez les y ramener. Veut-on vous forcer de les détruire ? Ce piège est trop grossier. Vous connaissez les droits du peuple, ils sont avant vous, ils sont avant la loi. Vous pouvez en punir l'abus ; vous ne pouvez pas en ôter l'usage, ou vous ne seriez que des tyrans. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
La terreur que le ministre de Léopold excite sur les manœuvres des républicains et des jacobins, ne parait être qu'un prétexte pour continuer sa ligue avec les autres puissances et pour continuer ses armements. Mais vous devez renverser même ce prétexte.
Quand bien même il existerait dans le sein de la France des hommes qui eussent conçu le projet criminel de changer la Constitution avant le terme prescrit par la loi, quand bien même les hommes et les sociétés populaires seraient coupables de tous les délits dont on les accuse, serait-ce une raison suffisante pour autoriser Léopold à s'armer contre vous, à se préparer à intervenir dans les discussions qui peuvent diviser les Français ? Vous seuls êtes juges de ces délits contre la patrie ; vous seuls avez le droit de frapper les conspirateurs ; vous seuls avez le droit de prendre toutes les mesures pour empêcher le renversement ou le changement de la Constitution : toute puissance étrangère qui usurpe un pareil droit, qui veut intervenir dans vos querelles intérieures, porte par cela même atteinte à l'indépendance et à la souveraineté de la nation. (Applaudissements.)
Ainsi donc, Messieurs, puisqu'il est évident que le concert entre l'empereur et les autres puissances existe, puisqu'il ne peut avoir d'autre objet que de menacer la Constitution et la France sous prétexte de les défendre, comment pourrait-on approuver dans toutes ses parties la réponse faite par M. Delessart, au nom du roi, à l'empereur ? Il met de côté tout ce que son confrère, M. Kaunitz, expose d'inquiétant sur ce concert ; il ne s'arrête qu'à une phrase de la note du ministre des Autrichiens ; il prétend que l'empereur se plaint de la calomnie par laquelle on lui impute d'avoir attenté à la souveraineté de la nation française, par les concerts et des alliances et il se garde bien de citer les phrases qui prouvent et l'existence et la clarté et le funeste objet de ce concert ; il met de côté les menaces et les outrages et ne s'attache qu'aux protestations pacifiques et amicales ; il se borne à lui demander la cessation d'un concert qui n'a point d'objet.
C'est demander ce qui a déjà été refusé ; c'est demander qu'on abandonne ce concert, sans réfuter les sophismes sur lesquels on appuie sa nécessité ; c'est, en ne fixant point de terme, entraîner d'autres délais funestes ; en un mot, c'est rester au même état d'incertitude, après avoir perdu un temps précieux dans de vaines explications.
Il est y vrai que le roi offre de prendre l'engagement de faire cesser tous les préparatifs de guerre et de réduire les troupes sur les frontières, aussitôt que l'empereur aura fait la même chose ; mais n'y a-t-il pas plus que de la mollesse dans cette proposition ? n'est-elle pas de nature à faire croire que nous craignons la guerre, ou que nous avons besoin de la paix ou plutôt l'empereur n'en est-il pas persuadé, puisque M. Delessart lui en fait ingénument confidence ? Et comment, d'après cette confidence, nous aurait-il épargné les menaces et les injures ?
ll est encore vrai que le roi déclare que, d'après une invitation aussi loyale, il ne pourrait voir dans une réponse qui ne porterait pas le même caractère, que la volonté de prolonger une situation dans laquelle la France ne peut ni ne veut rester. Eh ! que signifient ces phrases ? on y répondra par d'autres phrases et nous achèverons d'épuiser les restes d'un temps précieux et irréparable.
Ah ! si, pénétré de la dignité, de la majesté qui convient au peuple français, on eût voulu imiter son langage et sa franchise, il fallait éluder ce déluge de mots qui ne servent qu'à embrouiller les idées ; il fallait emprunter la noble brièveté des Spartiates, tracer un cercle étroit autour de l'empereur, lui fixer un terme et ne pas sacrifier à une étiquette ridicule la sûreté et la liberté de la France.
Telle avait été l'intention de l'Assemblée nationale : elle avait bien prévu les inconvénients de tout autre mode, et sa prévoyance se réalise ; car, faute d'avoir suivi la route qu'elle avait ouverte, nous sommes encore au même état d'incertitude où nous a jetés l'office du 21 décembre. Nous ignorons encore si nous aurons la guerre ou la paix, et nous avons perdu deux mois et demi dans de vaines négociations.
Cependant, malgré la perte que nous avons faite, nous ne devons pas désespérer; mais que doit faire l'Assemblée nationale ? Si le roi avait notifié à l'empereur son décret du 25 janvier, ou plutôt s'il l'avait suivi formellement, la marche serait simple. L'empereur ayant répondu, sur l'article du concert, qu'il se croyait nécessité à le maintenir, il est évident que nous devrions prendre cette réponse comme une déclaration de guerre, et que le roi devrait la proposer aussitôt. Mais le roi n'a point suivi votre invitation; il n'a point demandé d'explication nette et précise sur ce traité ; il n'a point fixé un terme pour la donner, il n'a point déclaré que toute réponse évasive ou dilatoire serait regardée comme une déclaration de guerre. Il parait, au contraire, que l'empereur croit ce décret sans exécution parce que, ignorant nos formes, il croit que ce décret a besoin de sanction, et qu'il fait qu'on ne lui en a pas donné. Il y aurait donc de l'injustice et de la déloyauté d'attaquer sur-le-champ l'empereur, en conséquence de la notification qui ne lui a pas été faite. Cependant le danger presse ; quel est l'homme assez aveugle pour ne pas voir dans ses dissertations volumineuses le dessein de traîner en longueur ses explications, et de nous amener à cette saison où tout l'avantage pourrait être en faveur de nos ennemis ? Qui ne voit dans le mécontentement de Léopold sur votre opiniâtreté d'écarter la noblesse, le désir de la voir ressusciter chez nous ? Qui ne lui en voit déjà, faire la proposition dans ces tempéraments qui peuvent se lier avec les éléments d'une monarchie libre. N'est-ce pas peindre sans déguisement la Chambre haute ? Qui ne voit sa haine du peuple, cachée sous celle pour les Jacobins, son aversion pour la doctrine de la souveraineté du peuple, sa crainte de la chute du pouvoir absolu dans sa haine contre les républicains ? Qui ne voit qu'il a juré la ruine de notre Constitution et de ses principes qu'il peint comme dangereux et contagieux? Qui ne juge de l'intensité de sa haine pour notre Révolution par les sacrifices qu'il fait en se liguant avec le roi de Prusse ? Qui ne doit redouter les effets de ce nouveau traité du 7 février, dont on vous cache à dessein les clauses ? Qui ne voit enfin que, si la conspiration des princes ne fait pas à la France des menaces plus violentes, c'est que le moment n'est pas favorable pour l'explosion, c'est que tous les préparatifs nécessaires pour la faire recevoir ne sont pas encore achevés, quoiqu'ils se continuent tous les jours avec une activité qui redouble ?
Attendrez-vous donc, Messieurs, qu'ils soient complets pour prendre un parti déterminé? Attendrez-vous d'être sur le bord de l'abîme pour vous réveiller, pour vous montrer tels que vous devez être ? Laisserez-vous consumer ce qui reste d'un temps précieux dans de vaines explications ? Non, si la loyauté vous ordonne de ne pas attaquer sur-le-champ l'empereur, la prudence et votre danger vous commandent d'exiger enfin de lui une déclaration positive qui vous autorise ou à attaquer ou à poser les armes. Or, celle qui a été faite par le pouvoir exécutif est loin d'avoir ce caractère. L'Assemblée nationale doit donc réitérer son invitation du 25 janvier, insister sur la nécessité d'exiger une déclaration précise, fixer un terme fatal, presser les préparatifs de la guerre, et surtout elle doit appeler toute la responsabilité sur la tête des ministres s'ils ne se conforment pas à cette invitation ; car enfin il est question ici du salut ou de la perte de la France. Cet article m'amène naturellement à ma dénonciation contre M. Delessart.
En vous dénonçant, Messieurs, le ministre des affaires étrangères, je remplis une de ces fonctions redoutables que des législateurs ne doivent pas entreprendre légèrement. Le salut de la France me l'ordonne, et je croirais trahir mon serment si, convaincu qu'un ministre a compromis la sûreté, la dignité de la nation, si, convaincu que le laisser à son poste c'est préparer les plus grandes calamités à la patrie, je n'exposais pas à tous les regards, tous les faits et tous les motifs qui ont gravé cette conviction dans mon âme. On a cherché à décourager les dénonciations. Il ne faut en décourager que l'abus ; mais lorsqu'un citoyen se présente avec des faits et des preuves, lorsque, le plus grand intérêt provoque ces dénonciations, il a droit à l'attention des représentants du peuple.
Le ministère des affaires étrangères n'est pas pour la responsabilité dans la classe des autres départements. On demande pour tous une confiance entière, elle n'est nécessaire que pour la
conduite des affaires étrangères.
Dans les autres départements, la loi seule diriger les ministres, elle doit seule diriger leur surveillance. Ont-ils suivi, ou non la loi ? Voilà le point où doivent se ramener presque toutes les questions que fait naître la responsabilité dans les autres départements ; mais dans le département des affaires étrangères, il n'y a point de loi à suivre, c'est l'intérêt national qu'il faut défendre au dehors, c'est lui qui doit servir de règle, soit pour diriger le ministre, soit pour l'accuser. A-t-il trahi ou négligé cet intérêt ? Tel est le point où peuvent se réduire les questions relatives à la responsabilité de ce département.
Mais, Messieurs, il y a tant de manières d'envisager cet intérêt extérieur, il peut y avoir tant de variations dans les opinions sur la bonté des mesures publiques, que la responsabilité devient difficile et presque impossible à exercer, qu'un ministre coupable ou inepte peut toujours échapper avec la plus grande facilité. L'intérêt national est-il évidemment blessé ? Le ministre peut toujours se couvrir du voile de l'incapacité, et le coupable se dérober à la peine. Le ministre des affaires étrangères ne communique de sa correspondance que ce qu'il veut, et est-il obligé de la communiquer entière, il a la ressource de la double correspondance, l'une ostensible, l'autre chiffrée. Il a vingt manières pour soustraire sa véritable marche aux regards de ses surveillants. Que conclure de ces réflexions? Qu'un législateur doit être sévère quand un pareil coupable est découvert, car la sévérité doit être en raison du facile accès à l'impunité. Elle doit être encore en raison de la confiance que la nature des choses force d'accorder à un ministre. Or, Messieurs, cette confiance doit être ici entière ; car on ne peut surveiller à chaque jour, à chaque instant un ministre des affaires étrangères, ou l'on troublerait, ses opérations. Ce n'est presque toujours que lorsqu'elles sont consommées qu'on peut juger et l'intention du ministre et la bonté de ses démarches. Jusque-là une confiance entière doit l'environner. Or, la sévérité dans la poursuite doit être en raison de la grandeur de la confiance dont on a revêtu le ministre.
Enfin, Messieurs, observez que ce ministre peut, par sa nature, attirer sur un État les plus grands périls. Supposez un ministre incapable ou pervers, il peut, par cette incapacité ou à dessein, aliéner les puissances étrangères, exciter une guerre, compromettre la dignité ou la sûreté de l'État. Telles sont les considérations que vous ne devez pas perdre de vue dans l'examen de cette énonciation. Vous devez être justes, mais n'oubliez jamais aussi que l'indulgence peut compromettre le sort de 25 millions d'hommes. N'oubliez jamais que nous sommes dans des circonstances critiques, où la perversité ou l'incapacité peuvent causer des maux incalculables, et conséquemment l'incapacité seule devient un véritable crime pour un ministre ; car s'opiniâtrer à tenir le gouvernail dans une tempête, lorsqu'on n'a ni la force, ni la tête, ni le courage nécessaires, c'est s'exposer à être l'assassin de ses frères, qu'un homme plus habile pourrait sauver. (Applaudissements.)
(à suivre)
Vogesus
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Brissot : Accusation de Delessart (17/02/92) Empty Re: Brissot : Accusation de Delessart (17/02/92)

Message  Vogesus Sam 10 Juil 2010 - 21:24

(suite et fin)
Pour juger, Messieurs, la conduite de M. Delessart, il faut nous reporter à l'époque où il est entré dans le département des affaires étrangères. Qu'avait à faire en y entrant un homme qui eût voulu sincèrement l'établissement de la Constitution et préserver son pays du danger qui le menaçait ? Il aurait exposé à l'Assemblée nationale la situation extérieure, il lui aurait révélé les traités des diverses puissances dirigés contre la France ; il aurait fait voir, d'après la circulaire du 1er novembre, qu'il existait un concert entre elles, dont le prétexte était de défendre l'honneur des couronnes, dont le véritable objet était d'alimenter la division dans le Gouvernement français, afin de pouvoir établir un ordre de choses plus conforme au despotisme ; il aurait chargé l'ambassadeur de France à la cour de Vienne, de demander une déclaration sur ces-conventions secrètes ; en un mot, il aurait pris toutes les mesures pour prévenir l'effet de ce concert puissant. Aucune époque ne pouvait être plus favorable ; en commençant cette marche dès le mois de novembre, ou l'empereur aurait répondu d'une manière satisfaisante, ou bien il aurait déclaré persévérer dans ce concert. Dans le dernier cas, tous les avantages possibles favorisaient l'attaque des Français, ils pouvaient être facilement rassemblés, et nos ennemis n'étaient pas prêts à nous recevoir. En un mot, une paix inaltérable ou une guerre prompte, tel était le but où l'on devait tendre dès le mois de novembre. Il fallait donc, dès lors, tenir un langage ferme et clair, offrir la paix et l'union si on voulait rompre le concert ; si on ne le voulait pas, il fallait menacer de la guerre ; voilà ce qu'aurait dû faire un ministre patriote et éclairé. Voyons ce qu'a fait M. Delessart.
D'abord il n'a point donné connaissance, ni à l'Assemblée nationale ni même au Comité diplomatique, des circulaires de juillet, du traité avec la Prusse, de la convention de Pilnitz, ni même de la déclaration du mois de novembre ; il a donc caché à l'Assemblée des pièces importantes qui auraient pu l'instruire des dangers dont on la menaçait au dehors, des pièces qui auraient pu la déterminer à prendre des mesures extérieures : premier délit et délit très grave; car ces traités devaient être regardés comme hostiles, puisque je vous ai démontré qu'ils étaient attentatoires à l'indépendance, à la souveraineté, à la sûreté de la nation française.
M. Delessart a donc compromis par son silence opiniâtre et la sûreté et la Constitution de la France. Dira-t-il qu'il n'a pas eu connaissance de ces pièces ? Mais quel est donc le devoir du ministre des affaires étrangères ? N'est-ce pas de se procurer toutes les pièces publiques et secrètes qui peuvent intéresser la sûreté ou les relations extérieures de la patrie ? Pourquoi donc entretient-on à grands frais tant d'ambassadeurs, tant de chargés d'affaires, tant d'espions de toutes les couleurs dans toutes les cours d'Europe ? Pourquoi consacre-t-on des millions à des dépenses secrètes ? N'est-ce pas pour se procurer la connaissance des manœuvres secrètes des cabinets de l'Europe ? Par quelle fatalité se fait-il donc qu'avec tant de moyens de connaître les secrets les plus cachés de ces cabinets, notre ministère n'ait pas pu se procurer même ce qui était publié ? car la circulaire de Padoue, la convention de Pilnitz et la circulaire du mois de novembre n'ont pas tardé à être publiques ; et il eût été impossible qu'elles ne le fussent pas, puisque par leur nature, elles devaient tomber dans une foule de mains. Telle en a été enfin la publicité que toutes les gazettes les ont copiées, et cependant le ministère n'en a donné aucune connaissance officielle à l'Assemblée nationale. Dira-t-il qu'il ne devait pas lui présenter des pièces qui n'avaient d'autre authenticité que la publicité des gazettes ? Mais son devoir ne lui ordonnait- il pas de prendre des renseignements dans les diverses cours d'Europe, et n'aurait-il pas connu facilement leur authenticité ? Aussi, ou M. Delessart a connu ces pièces, et il est coupable et il a trahi son devoir en ne les communiquant pas à l'Assemblée nationale, en ne provoquant pas les mesures nécessaires pour le saint public, ou il ne les a pas connues, et il est encore coupable de négligence en n'ayant pas pris tous les moyens de se les procurer, en n'ayant pas rappelé et remplacé les envoyés de France à Vienne, à Berlin, à Ratisbonne, qui lui cachaient des faits aussi importants. Si l'Assemblée nationale eût été instruite du concert formé entre les puissances, elle ne se serait pas bornée dans son message au roi, du mois de novembre, à demander au roi qu'il prit des mesures contre les émigrés : elle l'aurait invité à presser l'empereur de s'expliquer sur ce concert et d'y renoncer, et ce point était bien plus grave, bien plus important que celui de dissiper quelques attroupements d'émigrés.
Non seulement M. Delessart nous laissait ignorer les intentions des princes dont l'empereur était l'âme, mais il cherchait encore à nous persuader que ce prince était à notre égard dans les intentions les plus pacifiques. Rappelez-vous en effet ce que le roi vous disait ici dans son discours du 14 décembre : « L'empereur a rempli ce qu'on devait attendre d'un allié fidèle, en défendant et en dispersant tout rassemblement dans ses États ». Il proférait ces mots dans le temps même où l'empereur violait de la manière la plus scandaleuse le traité de 1756 : dans le temps où il refusait ses bons offices et ses troupes à la France, et les prêtait à l'électeur de Trèves.
Quinze jours après, le roi, dans sa lettre du 30 décembre, commence à s'apercevoir de son erreur. L'office de l'empereur du 21 décembre lui a ouvert les yeux. « Cet office, vous écrivait-il, m'a causé la plus grande surprise, j'avais droit de compter sur les sentiments de l'empereur et sur son désir de conserver avec la France la bonne intelligence ». Cet office du 21 décembre annonçait clairement le concert formé entre l'empereur et les puissances. « L'empereur, y disait-on, est trop vivement attaché à Sa Majesté Très Catholique pour ne pas désirer d'éloigner cette extrémité de la guerre qu'il pourrait s'attirer de la part des autres puissances réunies en concert pour le maintien de la tranquillité publique et pour la sûreté des couronnes. ». Ce langage était clair ; le croiriez-vous, Messieurs ? le ministre des affaires étrangères n'a cependant encore demandé aucun renseignement sur ce concert à l'empereur ; car, dans la réponse que le roi vous annonçait, dans sa lettre du 31 décembre, avoir faite à l'empereur, il n'est aucunement question de ce concert; on ne parle que de l'électeur de Trèves et du désir de conserver la paix. Il semblait que M. Delessart voulut en dérober la connaissance ; on ne la donne que le plus tard possible; il semblait se réserver cette matière nouvelle à des explications et des négociations, pour tempérer l'ardeur de la nation française, qui brûlait d'attaquer et de se venger des insultes qu'elle avait reçues.
Un ministre habile et patriote aurait vu dans ce concert le foyer de tous les orages qui pouvaient menacer la France, il se fût attaché opiniâtrement, à le dissiper : M. Delessart respectait au contraire ce foyer, et ne s'attachait qu'à quelques ramifications, au rassemblement des émigrés, aux princes possessionnés. Un ministre habile et patriote eût insisté fortement auprès de l'empereur sur la destruction de ce foyer : M. Delessart affectait même de ne pas le connaître. Un ministre habile et patriote se fût empressé de faire sentir à l'Assemblée nationale la nécessité de la destruction de ce concert, la nécessité de hâter les mesures diplomatiques et militaires, et se fût empressé de communiquer à l'Assemblée tous les offices qui pouvaient accélérer et diriger sa marche : M. Delessart, au contraire, prenait le plus grand soin pour dérober ces offices. Et je vais, Messieurs, vous en citer un exemple frappant : rappelez-vous l'ardeur qui régnait aux mois de décembre et janvier, dans tous les esprits ; on désirait que le ministre ne perdit aucun moment pour avoir une déclaration positive, afin d'entrer en campagne, et cependant tout semblait concerté pour nous épuiser par des lenteurs perfides.
M. Delessart reçoit, le 12 ou le 13 janvier, une réponse de l'empereur du 5 ; il la cache avec soin au Comité. On savait l'arrivée de ce courrier. Instruit par un patriote digne de foi, qu'il avait reçu des dépêches importantes de Vienne, qu'on y annonçait un ordre de faire marcher 28 000 hommes, je le presse de communiquer cet office. M. Delessart répond qu'il n'en a reçu aucun ; et cependant il avait reçu cet office ; il ne l'a communiqué que le 1er mars, en balbutiant une justification ridicule, si elle n'est pas de mauvaise foi. (Applaudissements dans les tribunes.) L'empereur montre dans cet office son inquiétude sur le rassemblement de 150 000 hommes, sur les déclamations injurieuses et menaçantes contenues dans les gazettes sur les complots des clubs. « De tels faits, ajoute-t-il, offrent de justes sujets d'alarmes; sollicitent l'attention des puissances étrangères réunies en concert. »
Si cet office eût été connu de l'Assemblée nationale, elle aurait sans doute insisté avec plus de force sur la nécessité d'avoir une déclaration prompte, positive, relative au concert, ou de prendre des mesures rigoureuses pour le faire cesser. Mais le ministère voulait contrarier ces mesures rigoureuses par des négociations éternelles. Un ministre dévoué aux intérêts de l'empereur aurait-il agi autrement ? L'empereur n'était point préparé à la guerre ; une invasion subite lui causait des pertes irréparables. On arrêtait cette invasion en mettant une grande distance dans la communication des dépêches, dans les réponses, en écrivant des dissertations pour provoquer des dissertations ; et pendant cette polémique les préparatifs se faisaient, le temps favorable se perdait.
Tel a été, je ne dis pas l'intention, mais l'effet de la conduite de M. Delessart ; s'il en a eu l'intention, c'est un traître, s'il n'y a pas eu d'intention, c'est incapacité, mais une incapacité bien funeste à la France. Ce système, perfide et inepte est encore bien plus développé dans la fameuse lettre confidentielle que je vais examiner.
On s'attend à voir le roi lui-même écrire avec noblesse et fermeté à l'empereur : point du tout, c'est M. Delessart qui seul écrit. On dit que c'est l'usage diplomatique ; cet usage. pouvait convenir à l'ancien régime ; il est contraire au nouveau ; le nouveau veut que chaque fonctionnaire public remplisse ses fonctions ; le roi, le premier de ces fonctionnaires, étant chargé de suivre les relations extérieures, doit donc signer les actes nécessaires pour les entretenir, sa signature seule doit leur donner l'authenticité convenable. Il est étrange que le roi soit obligé de communiquer lui-même avec l'Assemblée nationale, tandis qu'il se dispense de communiquer lui-même avec les puissances étrangères. Il semble que s'il est un genre de communication où la signature du roi soit importante, c'est dans les relations extérieures. Et peut-on être surpris maintenant que les puissances étrangères ajoutent si peu de foi à toutes les déclarations du roi de France, lorsqu'on le voit, dans tous les actes, remplacé par des ministres, et lorsqu'on est persuadé que ces ministres ne sont pas de son libre choix ?
Mais à qui M. Delessart écrit-il ? Est-ce à l'empereur ou à ses ministres ? Non, c'est à M. de Noailles, ambassadeur de France ; et il lui écrit une note confidentielle, c'est-à-dire une note à laquelle on ne devait pas répondre publiquement ; et pourquoi ne voit-on, pas paraître les lettres qui devraient être publiques ? M. Delessart dit qu'elles existent, mais il n'en a montré aucune ; et cette réserve doit augmenter les inquiétudes sur sa conduite ; et s'il en a écrit, il est bien étrange que M. de Kaunitz n'en fasse aucune mention dans sa réponse.
J'entre dans l'examen de cette lettre. Je ne m'arrêterai point au paragraphe qui regarde l'électeur de Trèves; .je ne relèverai point les traits qui marquent l'influence éternelle de l'ancien système diplomatique. Trois points essentiels frappent mon attention : 1° la faiblesse coupable avec laquelle M. Delessart parle du concert des princes ; 2° la perfidie des communications sur l'état de notre intérieur ; 3° l'affectation coupable de demander la paix. Et d'abord, Messieurs, avec quelle faiblesse le ministre parle de ce concert, dont l'existence était si bien démontrée, dont l'objet était si contraire aux intérêts de la France ! Il a l'air de douter de son existence. « On a été, dit-il, extrêmement frappé de ces expressions : les souverains réunis en concert ; on a cru y voir l'indice d'une ligué formée à l'insu de la France et peut-être contre elle. » L'indice ; Comment une expression aussi lâche, aussi criminelle, est-elle échappée au ministre ? Les preuves les plus frappantes de cette conjuration n'étaient-elles pas écrites dans la circulaire, dans le traité du mois de juillet, dans la convention de Pilnitz, dans la déclaration du mois de novembre ? Comment l'empereur n'aurait-il pas vu, dans cette mollesse de style, la preuve qu'on redoutait ses armes, preuve de l'impuissance de la France, et comment n'aurait-il pas déployé la résolution la plus ferme de persévérer dans ce concert ?
« On a été étonné, ajoute le ministre, que l'empereur, beau-frère et allié du roi, ne lui ai point fait part de ce concert entre les souverains, de l'Europe. »
L'empereur allié du roi ! le roi des Français a-t-il donc des alliés? J'imaginais avec tous les patriotes et avec la Constitution, que la nation seule en avait maintenant. Cette expression aurait-elle été réfléchie, ou bien ne serait-elle que l'effet de cette habitude incurable des ministres, de confondre la nation avec le roi, de subordonner celle-ci à un individu ? On serait tenté de le croire, lorsqu'on voit dans le même paragraphe, le ministre placer le roi avant la nation, ne voir en tout que le roi, comme si la nation ne comptait pour rien ; lorsqu'on voit enfin M. Delessart n'être affligé du concert des puissance que parce que ce concert entraînait de nouveaux chagrins pour le roi. On s'en appuie, dit-il pour accuser le roi de complicité avec la cour de Vienne. Était-ce donc là la première, la seul idée qui devait frapper le ministre d'une grande nation ? Ne devait-il pas s'indigner plutôt de ce qui ce traité attentait à l'indépendance nationale. Devant un si grand intérêt, tout autre intérêt individuel ne devait-il pas s'évanouir ? Et cependant, Messieurs, on oublie le premier, on ne cite que le second ; on le cite avec une chaleur plus propre à confirmer les soupçons qu'à les diminuer.
Ce n'était pas assez de dégrader la nation, en élevant le roi seul, M. Delessart la trahissait manifestement, en demandant des explications sur ce concert ; ces explications étaient absolument inutiles ; le ministre avait sous les yeux les circulaires qui contenaient les projets coupables de concert. C'était donc demander ce qu'on savait bien, ce qu'on savait déjà ; c'était donc faire une démarche absurde, inutile ; or on voulait gagner du temps, ou en donner à l'empereur : il y avait donc encore une fois ici ou ineptie ou trahison.
On a beaucoup applaudi l'éloge que le ministre a fait, dans ce paragraphe de notre Constitution ; mais analysez cet éloge avec soin, et vous y trouverez les traits les plus perfides. On y lit que la Constitution est devenue, pour la grande majorité de la nation, une espèce de religion quelle a embrassée avec enthousiasme. La grande majorité de la nation ! Je l'avoue, Messieurs, j'ai été souvent inquiet de cette expression que j'ai vue constamment employée par le pouvoir exécutif. Lisez les lettres du roi, ses discours, il n'y parle jamais que de cette grande majorité.
N a-t-on pas voulu réserver, par ces mots, un argument à la minorité, dans des temps plus heureux ? (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes). Je l'ignore, mais ce que je sais, c'est que cette expression est un outrage pour la nation ; car, je le demande et je mets ici de côté les émigrants, quel est le Français qui n'a pas souscrit à cette Constitution, qui ne sent pas la nécessité de la maintenir pour sa propre sûreté ? Ce que je sais, c'est qu'il est perfide d'annoncer aux puissances étrangères que notre Constitution n'est adoptée que par une grande majorité, c'est leur dire qu'il existe une minorité dont on peut être obligé, à cause des circonstances, de taire la force, une minorité qui, si elle était aidée, pourrait devenir redoutable.
Et pourquoi encore, Messieurs, ne parler que de l'enthousiasme avec lequel le peuple français a embrassé cette Constitution ? Employer ce mot vis-à-vis des princes étrangers, n'est-ce pas leur donner une petite mesure du sentiment qui vous attache à la Constitution ? Car les rois ne sont-ils pas accoutumés à regarder l'enthousiasme comme une flamme légère qui se dissipe aisément ? N'est-ce pas leur dire que le peuple français aime la liberté avec plus de légèreté que de raison ? Oui, sans doute, le peuple français a de l'enthousiasme ; mais ce n'est pas un simple enthousiasme, un enthousiasme aveugle, il est raisonné ; et si le peuple défend la liberté jusqu'à la dernière goutte de son sang, c'est parce qu'il est intimement convaincu, par la raison, que sa fortune et sa vie ne sont que des chimères sans la liberté. (Applaudissements.} Le ministre n'est-il pas encore plus coupable en communiquant confidentiellement au prince de Kaunitz ses idées sur la situation de l'intérieur de la France ? Méditez, Messieurs, cette phrase : « On parle de mécontents, de l'indiscipline de notre armée, de la pénurie de nos finances, de nos troubles intérieurs, en un mot. on nous peint comme étant dans une impuissance absolue. Je ne dissimule pas que nos embarras ne soient grands, mais le fussent-ils davantage, on se tromperait beaucoup si l'on croyait pouvoir dédaigner la France et la menacer sans inconvénient. »
Qui de nous, Messieurs, n'a pas été révolté de voir un ministre français faire des aveux aussi contraires à nos intérêts, au ministre d'une puissance étrangère, dont la malveillance était prouvée ? N'est-ce pas un véritable crime de haute trahison ?
Je veux que tous les faits soient vrais ; je veux qu'ils soient publics ; je veux que toutes les puissances étrangères puissent aisément les connaître ; mais niera-t-on que l'attestation d'un ministre, leur donne un poids plus considérable ? Niera-t-on qu'une puissance ennemie ne soit pas encouragée à nous attaquer en voyant un ministre qui doit connaître à. fond notre situation, convenir que nos embarras sont grands ; en le voyant n'opposer pour ressources à ces grands embarras qu'une phrase vague et lâchement écrite. « On se tromperait beaucoup si on croyait pouvoir dédaigner la France et la menacer sans inconvénient. » Était-ce donc ainsi que le ministre devait peindre la France ? A tous nos embarras ne devait-il pas opposer le courage de 4 millions de bras armés, déterminés à vaincre ou à périr, les ressources naturelles de notre sol, de notre industrie, qui sauront bien un jour rappeler le numéraire enfoui, les ressources des biens qui restent encore à notre disposition ? Comment ce ministre si habile à peindre nos embarras a-t-il omis ces ressources ? Il semble, en lisant cette lettre, que le ministre n'eut pour objet que de fournir des motifs à l'empereur pour traverser notre Révolution. L'empereur avait annoncé que l'objet du concert des puissances était de rétablir l'ordre et la tranquillité dans le sein de la France ; et on lui écrivait que tout était dans le désordre ! L'objet du concert était encore de rassembler des forces pour soutenir le roi, pour modifier, s'il était possible, notre Constitution, sous le prétexte qu'elle ne donne pas assez de force au roi ; et M. Delessart, dans une phrase entortillée, mais dont le sens a été clair pour tout le monde, si l'on en juge au moins par les murmures qu'elle a excités, M. Delessart, dis-je, fournit un motif aux puissances pour maintenir ce concert, et un principe pour modifier la Constitution lorsque l'occasion s'en présentera. Écoutez cette phrase, Messieurs, elle mérite l'attention la plus profonde : « ll a été une époque sans doute où la cause des émigrants, qui paraissait liée à celle du roi, a pu intéresser les souverains et plus particulièrement l'empereur; mais une fois que le roi, par l'acceptation de la Constitution, s'est mis à la tête du gouvernement, les émigrés n'ont pu intéresser que par leurs malheurs. »
Il résulterait de là, Messieurs, que dans l'opinion de M. Delessart, le roi n'était point sincèrement à la tête du Gouvernement avant son acceptation ; il en résulterait, d'après son opinion, qu'il s'était volontairement parjuré aux mois de février et d'avril 1790, lorsqu'il avait protesté de son attachement la Constitution ; il en résulte encore que, dans l'opinion de M. Delessart, le roi, avant son acceptation, pouvait exciter l'intérêt des souverains, c'est-à-dire qu'ils pouvaient légalement conspirer contre la Constitution ; il en résulte encore que, dans son opinion, la Constitution n'a été légale et valide qu'après l'acceptation du roi, et que les tentatives pour la détruire n'ont point été criminelles jusqu'à cette époque. Il en résulte enfin que si l'avenir annonçait de nouveaux ennemis, ceux, par exemple, de l'époque citée par M. Delessart, si, ce que je suis loin de croire, un retour sur cette acceptation était praticable, la Constitution pourrait être changée. N'en doutons pas, Messieurs, telle est la conséquence secrète que l'empereur a tirée de cet aveu. Lui dire, en effet, qu'il a été une époque où situation du roi pouvait exciter l'intérêt des souverains, c'est-à-dire où ils pouvaient s'armer pour lui, n'est-ce pas lui dire que, si cette époque revient, ils peuvent, ils doivent reprendre les armes pour lui (Applaudissements.) Cette conséquence est si évidente que le ministre autrichien l'a suivie et s'en est emparé pour justifier le concert des puissances. C'est précisément parce qu'il craint le retour de cette époque qu'il déclare persévérer dans ce concert. Il faut être aveugle pour ne pas convenir que le ministère français l'encourageait ici par son aveu. Mais il l'encourageait encore bien plus fortement par la lâcheté avec laquelle il expose ses craintes pour la guerre.
Sans doute, Messieurs, il ne fallait pas dissimuler aux puissances l'aversion que la nation française a pour la guerre ; peut-être encore M. Delessart pouvait-il mettre ses sentiments et ceux du roi a côté de ceux de la nation ; mais pouvait-il dire que le vœu de la saine partie de la nation est pour la paix ? Sans doute, il est pour la paix si elle n'est pas humiliante, si elle nous procure toute la satisfaction convenable et une tranquillité durable. Mais s'il faut l'acheter par l'opprobre ou par des sacrifices incompatibles avec nos principes, j'ose dire avec plus de raison, que le vœu de la saine partie de la nation, que dis-je, de la nation entière, est pour la guerre. (Applaudissements.) En ! pourquoi celle distinction de partie saine ? N'était-ce pas flétrir ceux qui s'étaient déclarés pour la guerre ? N'était-ce pas attirer l'anathème sur eux ? N'était-ce pas fonder une division dans le sein de la nation, pour faire proscrire ceux qu'on déteste ? Et le ministre qui emploie un langage aussi incendiaire, nous parle sans cesse d'une hypocrite réunion ! Comment encore, Messieurs, M. Delessart n'a-t-il pas senti qu'il avilissait la nation en substituant ses craintes à notre ardeur, les calculs des timidités à l'intrépidité de nos résolutions ? Était-ce par une déclaration sur les calamités de la guerre qu'il devait espérer d'engager l'empereur à poser les armes ? Était-ce en ne lui présentant que des succès embarrassants, et que le triste avantage d'avoir détruit son allié ? Peut-on croire sérieusement que si l'empereur étant assuré de succès faciles et de conquêtes réelles, il renoncerait avec plus d'empressement à la guerre ! N'y a-t-il donc pas tout à la fois lâcheté et perfidie dans cette manière de présenter la question? Lâcheté en ne présageant que des défaites ; perfidie, en ne présentant pour contrepoids à la guerre que l'embarras des succès, comme si les conquérants étaient jamais embarrassés de leurs victoires !
L'affectation de M. Delessart à prêcher la paix n'était-elle pas encore plis propre à nous attirer la guerre ou au moins des réponses humiliantes ? Lisez la fin de sa lettre : « C'est la paix que nous voulons ; nous demandons à faire cesser cet état dispendieux de guerre dans lequel on nous a entraînés ; nous demandons à revenir à la paix. » Qui ne sent ici, Messieurs, que le ministre autrichien ne devait voir dans ces cris pour la paix, que les terreurs de l'impuissance et de la pusillanimité ? Qui ne sent tout à la fois et l'impolitique de les présenter à son ennemi, et le déshonneur sont elles couvraient la nation ? Sans doute, si nous avons à combattre des ennemis à demi vaincus, des puissances qui n'eussent pas montré des intentions hostiles nous devrions leur tenir ce langage. Cette soif de la paix honore une nation supérieure et sûre de battre et d'écraser ses ennemis ; mais cette soif de la paix est déshonorante dans une nation outragée, insultée par un prince qui soulève toutes les puissances contre elles, et qui s'en fait gloire ! Cette soif de la paix était déshonorante en répondant à un prince qui nous menaçait de sa colère, si nous osions marcher contre des rebelles ; C'est ainsi qu'en prêtant mal à propos à la nation des sentiments de paix, le ministère l'a flétrie et qu'il encourageait nos ennemis à nous insulter.
Ce n'est pas tout : un autre trait de perfidie doit encore soulever vos esprits. Vous vous rappelez tous les raisonnements présentés dans cette tribune sur les inconvénients frappants de ce traité de 1756. Vous vous rappelez que les partisans les plus déclarés de ce traité, n'ont pas osé nier ses inconvénients; qu'ils ont dit qu'on pouvait en faire disparaître les principaux articles ; vous vous rappelez que, frappés de ces inconvénients, vous avez soumis ce traité à l'examen de votre Comité. Eh bien l M. Delessart adopte précisément un système contraire; il insinue à l'empereur qu'on ne demande pas mieux que d'exécuter ce traité ; il semble même lui demander grâce, en lui promettant que « ce traité n'aura plus désormais d'inconvénient pour lui, et qu'il peut lui devenir utile. » Un ministre français convenir que cette alliance avait eu des inconvénients pour l'empereur, convenir que cette alliance ne lui avait pas toujours été utile ! Un ministre de l'empereur aurait-il tenu un autre langage ? Il fallait avoir une profonde ignorance ou une profonde mauvaise foi, pour méconnaître tous les avantages dont ce traité avait été à la maison d'Autriche, tous les maux dont il avait écrasé la France. La place qu'occupe M. Delessart lui faisait donc un devoir, autant que la vérité, de soutenir que ce traité était et avait toujours été désavantageux pour la France sous tous les rapports ; il a donc sacrifié ici tous les intérêts de sa patrie aux intérêts de la maison d'Autriche ; et une pareille conduite ne serait pas criminelle ? Je ne sais, Messieurs, si je m'abuse, mais une idée me saisit fortement après avoir analysé cette lettre : les intérêts de la France y sont tellement sacrifiés, on y avilit tellement la France (car elle y est aux genoux de l'empereur), qu'on ne peut s'empêcher de dire : Ce n'est pas un ministre français qui a écrit cette lettre, elle sort de la plume de l'ambassadeur autrichien ; - tandis que l'on est forcé d'attribuer au ministère français la réponse de l'empereur. (Applaudissements.)
Quel est, Messieurs, le résultat du tableau que je viens de vous présenter ? Que la conduite de M. Delessart va nous jeter dans les plus grands dangers : il a, par sa lenteur, donné à la coalition le temps de se former; de faire des préparatifs, de fortifier ses plans, de faire marcher des troupes, d'attendre le moment où elle pourra combattre avec beaucoup d'avantage.
Si la coalition ne veut pas se dissoudre, il faut, ou que nous reculions devant elle, ou que nous combattions : reculer serait ignominieux et funeste pour notre Constitution, car cet échec accroîtrait l'audace et la prétention des rois ennemis ; et d'un autre côté, quoique en attaquant nous ne devions pas désespérer des succès, cependant ils seraient bien moins grands, les périls seraient bien plus nombreux si nous avions prévenu pendant l'hiver les desseins de la coalition couronnée.
Je veux supposer encore que la coalition ne nous attaque pas, je veux qu'elle se borne à nous environner de troupes, sous prétexte de défendre ses frontières : le danger sera-t-il moins grand pour nous ? Les armées du Nord n'encourageront-elles pas les mécontents de l'intérieur ? La crainte de leur invasion n'imprimera-t-elle pas la terreur, n'augmentera-t-elle pas le discrédit des assignats, le mécontentement du peuple ? Et qui nous répond alors qu'il n'y aura pas de soulèvement ? Qui nous répond que des étrangers ne profiteront pas d'un instant favorable pour intervenir dans nos querelles, chercher à. nous subjuguer et à renverser notre Constitution ? Ainsi donc, attaqués ou simplement menacés, notre sort est le même, le moment seul est différent. Est-ce par ineptie, est-ce par trahison que le ministre nous a traînés dans cette position désastreuse ? Quel que soit le motif, il ne met de différence que dans la peine, que dans le genre d'exclusion. Est-ce ineptie? il ne peut plus avoir la confiance de la nation. Est-ce trahison? il doit être accusé.
Et qu'on ne vienne pas répéter ici les déclamations ordinaires sur l'indulgence. Messieurs, vous êtes placés ici entre la sûreté d'une grande nation et l'intérêt d'un individu : choisissez. Mais songez que votre indulgence serait bien meurtrière ; on dit qu'il faut attendre la fin des négociations pour juger M. Delessart. Ah ! Messieurs, ce qu'il vous a communiqué ne suffit-il pas pour le juger ? On me dit que s'il est coupable, alors on exercera la responsabilité ; qu'alors sa tête répondra de ses fautes. Ce motif peut adoucir les hommes novices en matière de responsabilité ; mais souvenez-vous bien que sous le régime le plus libre et même le plus sévère, on punit difficilement un ministre coupable. Et d'ailleurs la mort de ce coupable rendra-t-elle la vie à des milliers de nos concitoyens des frontières que sa conduite expose à périr ? Si la coalition lève le masque, si elle éclate, si elle attaque, non, il n'est point de supplice capable d'expier le crime des ministres qui auront attiré ce fléau en France, lorsqu'il était si facile de le porter chez l'ennemi !
M. Delessart dira-t-il, si cet événement arrive, qu'alors il aurait été trompé ; qu'il avait toujours cru que l'empereur voulait sincèrement la paix ? Mais pourquoi, dans ce cas, ne l'a-t-il pas fait expliquer sur le concert, dès le mois de novembre ? Pourquoi, s'il était si sûr des intentions pacifiques de l'empereur, a-t-il provoqué lui-même l'armement de 100 000 hommes ? Avait-on donc besoin d'une force aussi considérable pour balayer quelques milliers d'émigrés ?
Dira-t-il que s'il a provoqué cet armement, c'est qu'il craignait que l'empereur ne protégeât les émigrés ? Mais, s'il le craignait, il ne croyait donc pas aux intentions pacifiques de l'empereur ! Et dès lors pourquoi ne prenait-il pas des mesures décisives contre lui, dans un temps où elles pouvaient être avantageuses ? C'est cet armement qui, d'après la lettre même de l'empereur, a provoqué ses préparatifs. C'est donc M. Delessart avec tout le ministère qui nous a attiré cette guerre et par une contradiction coupable, dans le temps où le ministère nous attirait cette guerre, faisait ou avait l'air de faire des dépenses énormes pour la soutenir, il prenait en diplomatie toutes les mesures pour ne l'avoir que dans un temps défavorable.
Il me semble que M. Delessart ne peut sortir de ce dilemme : ou vous croyiez aux intentions guerrières et contre-révolutionnaires de l'empereur et de la coalition, dès lors vous êtes coupable de ne les avoir pas prévenues dès le mois de décembre dernier ; ou vous croyiez à ses intentions pacifiques, et dès lors vous ne deviez pas provoquer un armement dispendieux, et dès lors vous êtes coupable d'avoir par cet armement, provoqué l'empereur à la guerre, et vous êtes coupable, lorsque vous écrasiez la nation de ces préparatifs dispendieux, de ne pas avoir forcé l'empereur à s'expliquer ou à rompre la coalition, et dès lors vous êtes responsable de tous les maux que cette conduite a engendrés dans l'État. (Applaudissements.)
Car, Messieurs, qui a porté un coup fatal à nos assignats, altéré le crédit, fait baisser le change, encouragé le désordre intérieur ? La mauvaise conduite du ministère. Comment les assignats se seraient-ils soutenus, lorsqu'on voyait une coalition nous menacer, et le ministère, ou la craindre, ou la ménager ? lorsqu'on craignait qu'il n'existât un concert secret entre cette coalition et notre Gouvernement ? lorsque les lenteurs, les ménagements du ministère pour cette coalition et son aversion pour la guerre, confirmaient ces soupçons ? Une fermeté imposante en diplomatie, de la célérité dans les résolutions, de l'union dans les mesures, auraient inspiré la confiance ; et la faiblesse, la lenteur et la désunion de notre ministère devaient nécessairement l'altérer. Aussi non seulement M. Delessart est responsable de toutes les calamités dont nous sommes menacés au dehors, il l'est encore de celles qui nous déchirent au-dedans. (Applaudissements.)
Ai-je besoin, Messieurs, d'ajouter à ces délits ceux qu'offre encore la conduite de ce ministre relativement aux autres puissances ? Vous rappellerai-je qu'il n'a fait aucune notification à l'électeur de Mayence et à divers autres princes qui protégeaient les émigrés, tandis que, pour les écraser partout à la fois, il fallait un concert général de mesures ? Vous rappellerai-je qu'il a conservé longtemps dans leurs postes, des hommes notoirement contraires à notre Révolution, tels que les Vergennes, les Montezan, les Bérenger ? Vous rappellerai-je qu'il n'a pris aucune mesure pour avoir des réparations des outrages faits à notre chargé d'affaires à Rome ? Vous rappellerai-je qu'il a laissé les Espagnols, les Allemands rassembler des troupes, des munitions de guerre sur les frontières, sans qu'il en ait donné connaissance à l'Assemblée, à moins qu'il n'y ait été provoqué par des dénonciations ? Vous rappellerai-je que des Français ont été vexés, emprisonnes, dépouillés de leurs biens, quelques-uns d'entre eux suppliciés en Espagne, en Portugal, à Florence, dans les Pays-Bas, et que le ministre n'a pris aucune mesure pour venger et faire réparer ces outrages, ni même communiquer ces faits à l'Assemblée nationale ? Vous rappellerai-je que notre pavillon a été outragé en Portugal et en Hollande, et qu'il n'en a tiré aucune satisfaction ? Vous rappellerai-je que le traité entre la Russie et la Porte a été conclu sans notre participation, qu'il n'en a donné aucune connaissance à l'Assemblée nationale, comme si la Porte pouvait être désormais étrangère à la France ? Vous rappellerai-je qu'il n'a pris aucune mesure pour profiter de la révolution de la Pologne et unir deux pays si bien faits pour s'appuyer mutuellement ? Vous rappellerai-je qu'il a laissé conclure les divers traités entre l'empereur et le roi de Prusse et n'a envoyé en Prusse que lorsque ces traités étaient faits ? Vous rappellerai-je qu'il n'a sollicité que tardivement l'Angleterre, pour l'empêcher d'entrer dans la coalition, pour former avec elle une alliance avantageuse, qu'il disait d'abord n'être pas praticable, et dont l'événement a prouvé la praticabilité, malgré toutes les ruses souterraines employées pour la faire échouer ? Vous rappellerai-je enfin, Messieurs, et ce délit est sous vos yeux, qu'il n'a pas communiqué à l'Assemblée les pièces qui pouvaient faire connaître et la coalition d'Outre-Rhin et ses complices ? et quoiqu'un décret le lui ordonne, plus de deux mois se sont écoulés sans qu'il ait obéi ; il refuse même d'y obéir. (Applaudissements.) Voici, Messieurs, les deux projets de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que, d'après l'office de l'empereur du 17 février, le concert entre les puissances dirigé contre la France est encore en pleine activité, qu'il importe de le forcer à y renoncer, ou de prévenir promptement ses menaces ; que la réponse du roi du 28 février peut conduire encore à des explications lentes et par conséquent funestes à la France ; qu'il importe d'avoir une réponse positive, à un terme fixe : décrète que le roi sera invité à demander à l'empereur s'il entend persister dans ce concert, lui fixer un terme, etc. ; le terme passé, de prendre enfin les mesures les plus rigoureuses pour maintenir la sûreté, l'indépendance et la dignité de la nation française ; déclare qu'elle rend responsable de tous les maux qui pourraient arriver les ministres qui donneraient au roi le conseil de ne pas se rendre à cette imitation. « (Applaudissements.)
Second décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que le ministre des affairées étrangères a négligé ou trahi ses devoirs, compromis la sûreté et la dignité de l'État :
« 1° En ne donnant pas connaissance à l'Assemblée de toutes les pièces qui tendaient à faire connaître le concert formé entre l'empereur et les différentes puissances contre la France ;
« 2° En n'ayant point pressé la cour de Vienne, dans l'intervalle du 1er novembre au 21 janvier de renoncer à la partie de ces traités et de ce concert qui blessait la sûreté et la souveraineté de la France ;
« 3° En ayant dérobé à la connaissance de l'Assemblée l'office du 5 janvier ;
« 4° En n'ayant pas, dans la note du 21 janvier, écrit avec force contre le concert des puissances, et demandé sa dissolution; en ayant, au contraire, affecté d'en douter ;
« 5° En ayant communiqué au ministère autrichien des détails sur l'intérieur de la France, qui pouvaient donner une fâcheuse opinion sur sa situation et provoquer des déterminations funestes pour elle ;
« 6° En ayant avancé une doctrine inconstitutionnelle et dangereuse sur l'époque qui a précédé l'établissement de la royauté constitutionnelle ;
« 7° En ayant demandé bassement la paix ;
« 8° En ayant demandé aussi bassement la continuation de l'alliance avec une maison qui outrageait ta France ;
« 9° En ayant conduit cette négociation de manière à la faire traîner en longueur, lorsqu'il importait de la terminer promptement ; de manière que la France est, au mois de mars, précisément au même état où elle était au mois de décembre ;
« 10° En ne s'étant pas conformé aux bases de l'invitation du 25 janvier lorsqu'il disait qu'il s'y était conformé, en ayant fait au contraire l'inverse ;
« 11° En ayant porté dans toute cette négociation une lâcheté ou une faiblesse indigne de la grandeur d'un peuple libre ;
« 12° En ayant négligé ou trahi les intérêts de la nation française dans toutes ses relations avec les puissances étrangères ainsi qu'il est dit ci-dessus ;
« 13° En ayant refusé d'obéir aux décrets de l'Assemblée nationale :
« Déclare qu'il y a lieu à accusation contre le ministre des affaires étrangères. » (Vifs applaudissements).
Vogesus
Vogesus
Maire

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