Forum sur la Gironde & Manon Roland
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Note perso sur Brissot

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Message  Bart Lun 11 Mai 2009 - 17:38

Note perso sur  Brissot Brisso10 Pour ses amis, Brissot était un honnête homme et pour ses détracteurs « une fripouille ». Il est vrai que cet homme n’est pas entré dans la politique avec une réputation toute neuve. Il a quitté très tôt sa ville natale pour Paris, où il essaye par tous les moyens de gagner sa vie en rédigeant des essais littéraires, philosophiques ; ce n’était effectivement pas facile pour lui. Il fréquentait alors le milieu des libellistes à gages et autres, un monde assez douteux (d’ailleurs il regrettera plus tard), mais il faut bien vivre, il avouera dans ses mémoires : "cette époque de ma vie est celle dont le souvenir m'attriste le plus; je n'y trouve que misères cachées sous l'apparence de l'opulence, liaisons dangereuses, expédients peu délicats". C’est là aussi qu’il va rencontrer un certain Theveneau de Morande, un homme assez louche à la fois maître chanteur et escroc (il avait fait chanter Madame du Barry), qui lui proposa une mission douteuse que Brissot refusera. Par la suite, cet homme se vengera de Brissot en ressurgissant pendant la RF pour le calomnier en popularisant le verbe « brissoter » qui veut dire voler. Et c’est peut-être à travers la mauvaise foi de ce Morande que la réputation de « fripouille » à été donné à Brissot dont ses futurs adversaires montagnards s’en serviront à tout va. C’est également dans ce milieu qu’il a rencontré Marat, il y a eu de nombreuses correspondances échangés entre eux, généreux, Brissot ira même l’aider financièrement à publier ses écrits en Angleterre (l’ami du peuple était alors dans le dénuement).


On l’accusa de tremper dans de diverses malversations financières avant la Révolution, notamment l’accusation portée contre lui par cet affreux Morande, d’avoir extorqué à son usage personnel les fonds d’un certain Desforges, sous prétexte de fonder un lycée à Londres. Sur ce point, il semblerait qu’en effet, les preuves étant accablantes pour Brissot, mais qu’en réalité c’était Morande et Swinton (le patron de Brissot) qui ont utilisé cet argent détourné pour propager des libelles et pamphlets odieux à destination de France. Autre accusation contre Brissot, mais c’est peu après la Révolution, il s’agit de la caisse du district des Filles de Saint-Thomas, où il paraîtrait que Brissot, président à l’époque, aurait détourné le fonds, encore une fois, cette calomnie n’était pas fondée, il est sorti blanchi de cette affaire, les preuves étant insuffisantes pour l’accabler, par ailleurs, le club le déclarait innocent.

Quant à son embastillement c’était pour avoir soi-disant écrit un pamphlet sur Marie-Antoinette « le diable dans un bénitier », en vérité ce pamphlet a été écrit par l’affreux Morande avec la complicité de l’ancien partron de Brissot, Swinston. Le fait que Brissot n’avait pas voulu collaborer avec ces derniers, ils se sont concertés pour le perdre, en le dénonçant par lettre anonyme à Vergenne que l’auteur était Brissot. S’il a été relâché rapidement c’est uniquement grâce à l’intervention de Mme de Genlis pour la quelle sa femme travaillait ; d’ailleurs Mme de Genlis, l’ancienne maîtresse et préceptrice des enfants du duc d’Orléans éprouvait pour le couple des sentiments amicaux, elle a même été témoin de leur mariage. Et non pas comme les mauvaises langues voudraient faire croire qu’il doit sa libération en monnayant avec le service secret. Certains iront jusqu’à dire qu’après cette mésaventure, il aurait travaillé comme indic pour le lieutenant de Police Lenoir, ce qui était totalement faux, il n’y avait aucune pièce qui démontre qu’il occupait cette fonction. Dans le dictionnaire critique de la Révolution Française, Patrick Gueniffey montre qu’il ne faut pas exagérer sur « l’importance de cet épisode, le double jeu et les connivences entre pamphlétaires et policiers étaient monnaies courante dans le petit monde de la littérature clandestine où Brissot évoluait ».
Certains historiens s’attardent sur cette période de Brissot, du fait que celui-ci était entré dans la politique avec une réputation pas toute neuve, et à cette époque, être vertueux, c’est la qualité la plus recommandée, d’où les ennemis de Brissot n’y manqueront pas de l’attaquer sur ce point à cause de son passé, disons que le pauvre Brissot était victime de ses erreurs de jeunesse. Il me semble que Mirabeau n’était pas aussi irréprochable que ça lorsqu’il entra dans la Politique ; Comme disait François Furet : " Mirabeau a tout raté et tout va lui sourire ..... cet homme dispersé, intermittent, infidèle, vénal, saisit au vol la chance de sa vie : devenir la voix de la nation nouvelle". Bien entendu, la postérité pardonne volontiers les fautes de l’un et reproche partialement à l’autre. Deux poids deux mesures ?


Quant à son engagement politique, avant la révolution, Idéaliste, Brissot rêve d’un monde où tous les hommes peuvent vivre en frères, son voyage aux Etats-Unis et sa rencontre avec le président Washington lui donna l’occasion d’étudier sur la question des hommes de couleur et mettre au point ses théories abolitionnistes (près d’un siècle avant l’abolition de l’esclavage aux USA). Brissot avait une profonde admiration pour la jeune république américaine, et décida d’installer avec sa famille. A cet effet, il publia un livre à destination de l’Europe, qui intitule « de la France et des Etats-Unis », le sous-titre de cet ouvrage, était plus explicite « de l’importance de la Révolution d’Amérique pour le bonheur de la France, des rapports de ce royaume et des Etats-Unis, des avantages réciproques qu’ils peuvent en tirer de leurs liaisons de commerce, et enfin de la situation des Etats-Unis ». La société américaine y dépeint comme une société idéale où les citoyens jouissaient d’un droit de discussion libre et où tous les individus oeuvraient pour le bien être général. Il pensait que cet ouvrage inciterait les gouvernements français et même européens (car Brissot raisonne toujours à l’internationale, c’est lui qui a mis à la mode ce qu’on appelle aujourd’hui l’Eurpoe Unie ) ; à procéder à des réformes pour supprimer abus et préjugés, il mettait aussi en garde des éventuelles fuites des européens vers l’Amérique qui était prête à les accueillir dans leur immense territoire. Ce livre traitait sur des théories économiques notamment, les études sur le tabac, l’abus d’alcool, les pêcheurs , des blés et farines, les fourrures, la culture du riz, qui selon Brissot doivent être réformés, car cela amènerait de l’abus de l’esclavage. Son ouvrage a reçu beaucoup d’encouragement et de félicitation notamment de Roland, le mari de Manon Roland, spécialiste des dossiers économiques. Brissot était ravi que Roland manifeste de l’intérêt pour son livre, leur idée se rejoint sur une seule chose le libéralisme : « Nous sommes bien de votre avis sur la vraie manière de faire fleurir les manufactures, c’est que l’Etat ne s’en mêle point ». Cette théorie de la libre circulation des biens qui sera, plus tard sous la Convention, fatale à la politique de la Gironde. Les Montagnards accuseront la Gironde d’affamer le peuple.

Quoi qu'il en soit Brissot resta attacher à la France, lorsqu’il apprit que bientôt le roi allait convoquer les Etats Généraux, il annula son projet américain et retourna en France pour participer à cet événement exceptionnel. De retour en France, il va créer avec Mirabeau « la société des amis des Noirs ». Il avait pu nouer contact avec les personnages qui allaient bientôt rentrer dans l’histoire : Condorcet, La Fayette, Mirabeau, Necker. C’est ainsi qu’à la veille de la convocation des Etats Unis, il était déjà connu, il s’était fait une notoriété et non pas comme certains prétendent que c’était plus tard qu’il s’est fait une réputation en s’opposant aux constituants et aux feuillants.

Il postula donc à la candidature des Etats Généraux, mais fut recalé tout comme Condorcet qui pourtant était un savant imminent & encyclopédiste, très connu dans le grand monde, mais cela ne l’avait pas empêché d’être battu. Cet échec ne découragea pas Brissot, dés juillet 1789 il va créer le journal « le patriote français » avec le fonds de sa belle-mère la généreuse Madame Dupont, destiné à éclairer le peuple sur les décisions prises à l’Assemblée, ce journal dénonce aussi les ambitions de quelques constituants comme Mirabeau, Barnave ou du ministre Necker, à travers ses écrits, il montra son républicanisme bien avant les constituants comme Robespierre. En tout cas, c’était le premier journal qui fut vraiment peur à Versailles par ses idées subversives. Ce journal connaîtra un immense succès, il fonctionnera jusqu’àu 2 juin 1793, date de la chute de la Gironde.

Après la fuite à Varennes du roi, Brissot dévoila ses vraies convictions républicaines. Il publia le 7 juillet 1791, un long exposé où il expliqua la nécessité d’instaurer un nouvel régime : « j’entends par république, un gouvernement où tous les pouvoirs sont : 1° - délégués ou représentatifs - 2° - éléctifs dans et par le peuple - 3° - temporaires ou amovibles. » ; en clair, il entend par là qu’on pouvait se passer du pouvoir exécutif donc du monarque ! par ce fait il se démarqua des constitutionnels, en cette période, où on considère qu’il était impossible d’instaurer une République dans un grand royaume tel que la France, même les philosophes éclairés comme Montesquieu ou Rousseau, pensait la République n’était applicable que pour les petits états. C’est dire que Brissot était républicain dans l’âme même tout comme Manon Roland. Lorsque l’Assemblée rétablit le roi, Brissot fut parmi ceux qui réclament des pétitions pour sa déchéance & l’instauration de la république.

Sous la législative et la convention, on le soupçonna d’avoir voulu freiner la Révolution au lendemain du 10 août. Sa modération peut s’expliquer par le fait que la Commue insurrectionnelle avait pris le pouvoir après la chute de la royauté et impose sa volonté sur les décisions de l’Assemblée, pour Brissot, cet empiètement montre clairement que l’avenir des Girondins était précaire : il sentait qu’il avait été trop loin en dépeçant la monarchie, lorsque la tête de Louis XVI tombera ce sera au tour de son parti de chanceler … mais rien n’a prouvé qu’il a touché l’argent de la cour pour freiner la Révolution, aucune pièce n’a été trouvé qui appuie cette thèse.

Autres choses, rien ne prouve que Brissot était le chef des girondins, « une faction » comme l’a dit Robespierre. Il me semble que l’on a assez reproché au parti girondin quant à leur manque de cohésion pour prendre des décisions. Le procès du roi illustre bien leurs opinions divergentes…s’il y a eu faction, le groupe aurait alors soudé pour les grandes prises de décision notamment la mise en accusation contre Marat ou lors de la création de la Commission des Douze et ce n’était pas le cas. Il y avait d’un côté le groupe bordelais, de l’autre le groupe de Madame Roland. D’ailleurs, Le groupe a été formé bien avant la législative.


Quant à sa vie privée, Brissot avait épousé Félicité Dupont qui travaillait, à l’époque de leur rencontre, pour Mme de Genlis chez le Duc d’Orléans, elle s’occupait de l’éducation de la fille du duc. C’était grâce à sa femme qu’il va rentrer au service de la maison orléaniste comme secrètaire du marquis de ducrest, le frère de Madama de genlis, ses détracteurs le soupçonna d’être l’espion du clan orléaniste ce qui était totalement faux, car il ne resta que quelques mois, écoeuré des idées folles du marquis du Ducrest qui aspirait à renverser le gouvernement, provoqua le gouvernement, ce qui vaut à brissot une lettre cachet. Prévenu il a pu s’exiler à londres. Il n’avait vu qu’une seule fois le duc d’orléans, et le jugea sévérement dans ses mémoires : « ce prince aimait assez les conspirations qui ne dureraient que vingt-quatre heures. Passé ce terme, il était effrayé ». Au reste,Pétion son ami d’enfance, le mettait en garde contre la maison d’orléans, Brissot regretta de « s’être laissé entrainer à servir dans ce palais de boue ». en quittant, les Orléans, Il était soulagé de retrouver son indépendance

Généreux, Bon père, bon époux, il confiera à son épouse des erreurs qu’il a commises dans sa jeunesse dans le milieu des publicistes à gages : entraîner par un ami, il avait eu un enfant naturel avec une lingère, dont il voudrait que sa femme accepta cet enfant comme son propre enfant et l’élever, mais la lingère refuse de confier son fils.

Entre temps Brissot a dû se débrouiller pour faire vivre sa famille (3 fils) qui s’agrandissait, il le dira lui-même « il fallait écrire souvent pour vivre tous les jours ». Il faut le comprendre, le pauvre, il tâtonnait un peu partout, disons il touchait à tout. Si Brissot était vraiment une « fripouille » il aurait connu alors une vie confortable et opulente, ses ennemis le traînaient dans la boue en l’accusant sans cesse de spéculer et ce n’était pas le cas, sa femme passe son temps à fuir les créanciers et à s’occuper des tâches ménagères (après la mort de Brissot, la pauvre Félicité a dû élever ses trois fils, seule et pauvre, elle a dû recourir à des démarches administratives très pénibles pour obtenir une modeste pension). D’ailleurs, c’est souvent la belle-mère de Brissot qui remboursait les dettes du couple désargenté. Et c’est aussi grâce à cette généreuse femme, que Brissot a pu créer plus tard son Journal « patriote français ».

Certes, Brissot fréquentait des cercles douteux mais qui ne l’était pas ? Danton était (je pense) pire que lui, vendu à la cour, sa corruption est prouvée, sa fortune après la révolution s’avérait immense. Mirabeau, vendu également à la cour (les preuves ont été retrouvées aux Tuileries). A côté, on a un Brissot, accusé de tout, mais sa fortune reste médiocre. Il se pourrait que Brissot ne soit pas fait pour la politique mais je pense que ces engagements politiques sont très sincères, il croyait sincèrement servir son pays, disons plutôt qu’il était un rêveur, qui pensait que sa Rome antique est ressuscitée… alors qu’il était dans un autre contexte. Sur la question de la guerre, je pense que sa stratégie est définie sur une dimension internationale, pour lui la guerre permet aux autres peuples de s’émanciper du joug des monarques, mais là aussi on revient à son côté idéaliste… pauvre Brissot…


Pour moi, Brissot reste un homme qui déborde d’amour pour l’humanité, idéaliste (je dirais), peut-être que ce pauvre homme n’était pas fait pour être un politicien… mais « fripouille » il ne l’était pas. Et son engagement pour la cause des hommes de couleurs, je suis persuadé qu’il s’était réellement investi, il était sincère, rien que pour cette action, je pense qu’il mérite un peu d’honneur…

Bart,


Dernière édition par Bart le Mer 16 Sep 2009 - 9:11, édité 7 fois
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