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Brissot : Sur les dispositions des puissances étrangères

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Brissot : Sur les dispositions des puissances étrangères Empty Brissot : Sur les dispositions des puissances étrangères

Message  Vogesus Sam 10 Juil 2010 - 21:18

Discours de J.-P. Brissot, sur les dispositions des puissances étrangères, relativement à la France et sur les préparatifs de guerre ordonnés par le Roi, prononcé à l'Assemblée, le 29 décembre 1791

Archives parlementaires Tome XXXVI (p.600 et s.)
Bibliothèque de la Chambre des députés : Collections des affaires du temps, Bf. In-8°, 165, t. 149, n°2



Messieurs, il est donc enfin arrivé le moment où la France doit déployer, aux yeux de l’Europe, le caractère qui convient à un peuple libre, lorsqu’il est outragé par des voisins. Les outrages ont été publics et continuels. La vengeance doit être éclatante ; mais elle doit être précédée d’une discussion calme et solennelle. Votre décision peut entraîner les conséquence les plus graves, et pour l’honneur et pour les intérêts de la nation française, et pour l’intérêt de la liberté universelle. Représentants du peuple français, organes de sa volonté, dépositaires de son bonheur, vous ne pouvez donc porter trop d’attention, trop de maturité dans l’examen de cette question politique. Vous devez appeler toutes les lumières, vous devez vous en environner ; et, quoique, j’aime au moins à le croire, le parti qui seul convient à la grandeur de la nation française, ne tardera pas à réunir tous les esprits, vous n’en devez pas moins rechercher avec soin à dissiper avec zèle toutes les objections, toutes les craintes qui peuvent s’élever dans les esprits. C’est de l’or, que dis-je, c’est du sang des Français que vous allez disposer. Le peuple a le droit de demander que vous ne vous précipitiez pas légèrement une décision aussi grave. Vous allez juger la cause des rois étrangers : vous devez vous montrer dignes de cette auguste mission ; vous devez vous montrer au dessus d’eux ou vous seriez au dessous de la liberté.
Des rebelles, qu’une funeste complaisance n’a que trop enhardis, faisaient des préparatifs de guerre aux portes de la France même. Vous avez cru devoir leur fixer un terme pour rentrer, et les poursuivre après ce terme. Une politique ténébreuse, dont l’événement a démenti les bases et atteste les funestes effets, a suspendu ce décret rigoureux, mais nécessaire. Le pouvoir exécutif a continué de tolérer ces préparatifs hostiles. Vous l’avez invité, par un message, à les faire cesser. Le roi a fait aux Électeurs les réquisitions nécessaires : on les a méprisées. Il vous annonce, en vous déclarant qu’il a fixé à ces Électeurs le terme du 15 janvier, passé lequel il les regardera comme les ennemis de la France. Le roi vous a déclaré en même temps qu’il prenait les mesures militaires les plus propres à faire respecter ses déclarations ; et que, si elles ne sont point écoutées, il ne restera plus qu’à proposer la guerre.
Le ministre de la guerre vous a, de son côté, développé les mesures militaires qu’il était nécessaire de prendre. Il vous a dit que les trois armées, formant un total de 150 000 hommes, étaient nécessaires. Il vous a demandé provisionnellement 23 millions pour les mettre en état.
Ces déclarations, cette demande, ont été renvoyées aux comités diplomatique et militaire. Vos comités vous proposent de décréter, relativement aux notifications des mesures, qu’il n’y a pas lieu de délibérer quant à présent et d’accorder provisoirement les 20 millions demandés. Vos comités sont dans l’erreur. Sur le premier point, je distingue la notification : 1° de la réquisition aux Électeurs ; 2° de leur réponse ; 3° de la fixation du terme fatal du 15 janvier, et de la déclaration qu’on les regardera comme ennemis ; 4° des mesures militaires prises pour appuyer ces déclarations ; 5° la demande de 20 millions.
Sans doute, il n’y a pas lieu à délibérer sur les réquisitions, c’était votre vœu ; mais la réponse des Électeurs, mais les mesures subséquentes doivent être soumises à votre délibération. Ou bien il faut dire que le pouvoir exécutif aurait un pouvoir constitutionnel de précipiter la nation vers sa ruine, sans qu’elle eût un pouvoir constitutionnel pour l’arrêter. Non que je croie voir dans ces mesures la ruine de la nation ; loin de moi cette idée ; mais aujourd’hui la mesure est bonne, demain elle peut être funeste ; vous devez donc délibérer, et je le prouve la Constitution à la main. Elle vous dit, article 2, du chapitre III, que, dans le cas d’hostilités imminentes, ou lorsqu’il s’agit d’un droit à conserver, le roi en donnera, sans aucun délai, la notification au Corps législatif ; que si le Corps législatif décide que la guerre ne doive pas être faite, le roi prendra sur le champ des mesures pour faire cesser ou prévenir toute hostilité. Or, nous sommes dans le cas des hostilités imminentes ; nous sommes dans le cas de ce droit à conserver par la force des armes, puisque c’est notre Constitution qu’on veut attaquer à main armée. Le pouvoir exécutif nous l’a notifié ; nous sommes donc appelés à décider s’il y a lieu à suspendre ou à continuer les mesures qu’il a prises. Nous devons donc délibérer et sur l’objet de ces mesures préparatoires, et sur leur nécessité,, et sur leur suffisance ou leur insuffisance. Nous devons surtout y délibérer, puisqu’on nous demande des fonds extraordinaires pour les exécuter, puisque nous ne pouvons les accorder sans avoir profondément examiné si la cause pour laquelle on les demande est juste, légitime, importante pour la sûreté publique. En un mot, les mesures, soit diplomatiques, soit militaires, prises par le pouvoir exécutif, peuvent être ou bonnes, ou incomplètes, ou mauvaises ; et le Corps législatif doit délibérer dans les trois cas ; il doit les désapprouver si elles sont mauvaises, en indiquer l’augmentation si elles sont incomplètes, les approuver si elles sont justes. C’est la marche que prescrivent le bon sens, les droits du Corps législatif, l’intérêt du peuple, et, ce qui est bien important dans la circonstance actuelle, la nécessité de convaincre les puissances étrangères de la bonne harmonie qui règne entre les deux pouvoirs. Car, de quel œil verront-elles que, sur la notification de mesures aussi graves, le Corps législatif eût voté la question préalable ? Ne seraient-elles pas tentées d’attribuer à mésintelligence ce qui ne serait dû qu’à un respect mal entendu pour une forme que la Constitution ne prescrit point ?De l’exécution rigoureuse des mesures que le roi prend, va dépendre le salut de l’Empire ; et comment pourrait-il être interdit au Corps législatif de délibérer sur le salut de l’Empire ? Ne nous laissons point entraîner à des arguties : que le roi seul ait le droit de maintenir la sûreté, de diriger les armées, c’est une vérité constitutionnelle ; mais n’ôtons point aux représentants du peuple le droit de diriger la main qui conduit ces armées ; le droit de délibérer sur les cas où cette sûreté peut être attaquée, doit être maintenu sur les cas où les armées doivent se mouvoir, où de grands préparatifs doivent se faire. - Ne confondons pas, en un mot, la tête avec le bras ; et souvenons-nous que la tête seule doit diriger le bras. (Applaudissements.)
Ces points une fois démontrés, je dois examiner s’il y a lieu à approuver ou à désapprouver les mesures diplomatiques et militaires prises par le pouvoir exécutif, si l’on doit lui accorder, pour l’exécution des mesures militaires, la somme de 20 millions qu’il demande. Je dois examiner si les mesures qu’il a prises frappent sur tous les individus qu’elles devraient embrasser, s’il ne faut pas ajouter d’autres mesures. Telles sont les questions qu’il importe de résoudre avant de décréter le subside provisoire de 20 millions.
Cette somme a pour objet d’équiper et d’armer en guerre trois armées au total de 150 000 hommes.
Avant que d’accorder cette somme, il faut donc examiner si nous avons besoin d’une force aussi considérable pour prévenir ou repousser les hostilités qui nous menacent : or, la solution de cette question ne peut se trouver qu’en recherchant quels ennemis nous menacent ouvertement, et quels ennemis secrets nous avons à craindre. Il faut donc avoir sous les yeux le tableau de notre situation politique, relativement à toutes les puissances étrangères.
Si nous avions la certitude de ne rencontrer sur le champ de bataille que nos chevaliers errants, que les Électeurs de Trèves et de Mayence, dont les sujets invoquent secrètement la liberté ; si nous avions à redouter encore que ces princes mitrés, dont l’intrigue fait la seule force, et ce prince de Hesse qui, faisant trafic de sang humain, est en horreur même aux despotes ; et ce petit prince de Neu-Wied, dont le père, sage ami du genre humain et de la liberté, donnait asile aux vertus et non pas aux brigands ; si, dis-je, nous n’avions à craindre que de pareils ennemis, sans doute un développement de forces aussi considérable serait inutile et extravagant. 20 ou 30 000 hommes seraient plus que suffisants pour balayer de leur repaire quelques milliers de rebelles et de soldats mercenaires qui méprisent ceux qui les soudoient.
Mais, ces émigrants et ces Électeurs ne sont-ils pas excités secrètement par des puissances plus redoutables, qui cherchent à attiser chez nous la guerre civile, avant de prendre ouvertement leur parti ? Accélérera-t-on ce moment en attaquant les émigrants et les Électeurs ? Verra-t-on paraître alors cette coalition de têtes couronnées dont on nous menace depuis si longtemps ? Cette coalition ne nous jettera-t-elle pas dans le plus grand danger ? N’ébranlera-t-elle pas notre Constitution ? Tel est le point délicat de la question ; c’est à cet anneau que s’attache la nécessité de mettre sur pied des forces considérables, et par conséquent de voter provisoirement un subside de 20 millions.
Pour connaître ce que nous avons à craindre des puissances étrangères, il ne faut pas se borner à examiner maintenant les petites passions, les petits calculs et des rois et de leurs ministres. La Révolution française a bouleversé toute la diplomatie. Quoique les nations ne soient pas encore libres, toutes pèsent maintenant dans la balance politique ; les rois sont forcés de compter leurs vœux pour quelque chose. Ainsi, pour s’éclairer, il faut joindre à la connaissance du caractère et de l’intérêt des rois et de leurs ministres, celle de la volonté et des facultés réelles des nations.
Le sentiment de la nation anglaise sur la Révolution n’est plus douteux ; elle l’aime ; elle en désire la stabilité, parce qu’elle y voit un nouveau point d’appui pour sa liberté, parce qu’elle ne craint pas, qu’imitant l’astucieuse politique de Louis XIV, nous favorisions dans son sein la prérogative royale qu’elle redoute, et qui, sans cesse, cherche à s’étendre. Ce sentiment fondé en raison, se manifeste avec trop d’énergie, pour être indifférent au cabinet de Saint-James. L’influence de la volonté nationale sur les décisions du ministère anglais est incontestable : elle a éclaté lors de la guerre dont il a longtemps menacé la Russie, et qu’il a forcé d’abandonner. Il est donc probable que le gouvernement anglais, quelque ennemi qu’on le suppose de la liberté, n’osera jamais, lors même qu’il en aurait les moyens, s’élever ostensiblement contre la Constitution française. Cette probabilité se change en certitude, si l’on observe que l’ambition ministérielle est enchaînée par ses embarras profonds que trahissent ses prorogations éternelles du parlement, par l’énormité de la dette publique, et par la triste situation des affaires de l’Inde ; situation telle que les victoires même y sont de vraies calamités ; témoin celle du 15 mai dernier, remportée sur Tippoo, qui a, qui aura toujours pour lui la force des choses. Quelle frénésie pourrait, dans cet état des choses, porter le ministère anglais à troubler l’harmonie entre les deux nations ? Peut-il même lorsqu’il aurait cet infâme machiavélisme, aider seulement de secours considérables en argent les rebelles français ?
Ce n’est ni dans la déclaration faite par le roi d’Angleterre comme Électeur de Hanovre, à la diète de Ratisbonne, ni dans sa lettre au roi des Français, lettre qui prouve qu’il ignore notre Constitution, puisqu’il donne encore l’épithète avilissante de sujets aux citoyens français, ni dans ses protestations amicales que nous voyons l’assurance de la paix avec l’Angleterre : c’est dans son propre intérêt. Elle sait que la querelle de la contre-révolution est une querelle de rois égarés, et de privilégiés contre la liberté ; et l’Angleterre n’hésitera pas entre un roi et la liberté. Elle n’hésitera pas entre la paix dont elle a besoin, et la guerre qui la jetterait dans l’anarchie et la banqueroute. Enfin, l’opinion publique avance chaque jour, chez les deux nations, le moment où, loin de chercher à se détruire, elles s’uniront par des liens plus forts que celui d’un traité de commerce imparfait et taché des surprises ou des faiblesses de la rivalité. Cette liaison devient nécessaire à l’Angleterre, soit quelle perde ou non ses possessions dans l’Inde. La paix générale de l’Europe sera scellée par cette liaison des deux peuples. Nous ne devons donc pas craindre l’Angleterre ; nous n’y verrons bientôt que des frères.
Que faut-il penser de l’Empereur d’Allemagne ? connaîtra-t-il enfin ses vrais intérêts ? Son caractère est, dit-on, pacifique ; mais il est encore plus évident que les pays soumis à sa domination ont besoin de la paix. Je l’ai déjà dit ailleurs : troupes diminuées par une guerre désastreuse ; dette considérablement augmentée ; diminution d’impôts depuis son avènement au trône, et augmentation de dépenses ; danger et difficulté de remplacer les diminutions d’impôts ; banque sans hypothèque, dont le crédit comparé à ce qu’il était, commence à décliner ; tout ce qui l’environne retrace à la politique autrichienne la nécessité de ces grandes réformes qu’on n’essaie que dans une paix profonde et continue.
La capitale de l’Autriche, où le prix des subsistance augmente sans cesse et devient un objet de police forcée, renferme nécessairement une population misérable, dont les mécontentements peuvent devenir menaçants. - Dans presque tous les divers États de l’empereur, de fréquents mouvements prouvent des vices intérieurs qui fatiguent les peuples, et présagent leur insurrection.
En Hongrie, le serf lutte contre l’aristocratie, et l’aristocratie contre le trône, qui plusieurs fois a déjà reculé devant elle. Dans les Pays-Bas, outre une haine invétérée contre la maison d’Autriche, les divisions ne sauraient y avoir d’autre terme que le triomphe de la pure liberté. Que les querelles des États et du conseil y soient simulées ou sincères, le peuple s’éclaire au milieu de ces comédies ou de ces combats. Il viendra ce jour où, connaissant sa force et démêlant ses vrais amis dans les factions diverses qui le déchirent, il verra qu’il n’a qu’à vouloir pour être maître, et où il le voudra ; et il ne convient pas à l’empereur d’accélérer ce moment par une guerre à un peuple libre. C’est courir soi-même au précipice. Dans le Milanais même, où la douceur du climat et la richesse du sol changent si facilement les mécontentements populaires en apathie, en découragement, le peuple sent le joug, et commence à s’en plaindre.
Oui, dans presque toutes les possessions de la maison d’Autriche, on éprouve le poids déchirant de ces longues et folles administrations, qui sacrifiaient tout aux intarissables besoins attachés aux projets d’agrandissement et à cette indomptable jalousie de puissance, dont les peuples ne peuvent retirer que des malheurs.
Dans cette situation, que peut gagner l’empereur à nous faire la guerre ? Quel ministre sage, quel général expérimenté et honnête, et il en est de cette trempe qui le dirigent, quels ministres, quel général peuvent la lui conseiller ? Ses troupes sont aguerries, je le veux, une sévère discipline peut encore en faire des machines meurtrières redoutables à des citoyens libres ; mais il est aussi un terme à ces barbaries, dont le soldat automate est la première victime. Le ferment de la raison, placé dans le cœur de tous les hommes, résiste à tout ; et si le soldat autrichien, envieux du sort du soldat français, se demande une fois : que lui ont fait les malheureux qu’il fusille, la discipline cessera bientôt de résister à la voix de l’humanité et de l’intérêt. Partout ce soldat, dont les princes veulent faire l’ennemi du peuple, sort du sein du peuple ; il ne peut jamais en être entièrement séparé ; et les gémissement de ses victimes ouvrent enfin son âme à la compassion.
L’empereur, nous dit-on, n’a qu’une volonté faible. Disposé, par caractère, à tout ce qui est sage et humain, il manque de l’énergie nécessaire pour résister aux intrigues des ambitieux. Il n’offre point aux hommes éclairés par la philosophie et la probité, cette force de résolution, cette indépendance des courtisans, qui seules peuvent appeler cette classe d’utiles citoyens auprès des princes. Mais cette disposition vacillante repousse aussi les grands projets ; le temps qui sépare les préparatifs de l’exécution, est en faveur de la raison. Chaque jour pourra faire comprendre à l’empereur qu’une politique infernale et astucieuse se joue de ses devoirs et de ses intérêts, et que cette princesse, avide de victoires ensanglantées, et qui vous menace, dit-on, de ses soldats, pourrait bien ne chercher dans la prétendue querelle des rois, que l’occasion d’affaiblir ceux dont le voisinage s’oppose à ses projets.
L’empereur n’est donc pas dans une position qui doive le tourner hostilement contre nous. Cependant il doit, malgré le besoin qu’il a de la paix, essayer le langage des despotes. S’indigner de la Révolution française est une affaire d’étiquette entre les têtes couronnées. Les liens du sang ont encore pu déterminer l’empereur à affecter dans ses lettres ce langage hautain que de vrais patriotes n’ont entendu qu’avec indignation ; mais ces liens sont, chez les princes, subordonnés à leur intérêt personnel. Or, l’empereur a tout à redouter et rien à gagner dans une guerre contre la France ; et tous ces princes conjurés doivent craindre aussi les liens qui se forment sourdement entre les nations opprimées. Car nous pouvons aussi en appeler aux fraternités nationales, et faire sentir aux princes qu’ils se doivent entièrement aux peuples et jamais à leurs parents.
Ces idées ont déjà frappé sans doute les vieux politiques qui dirigent le cabinet de Vienne, et qui, attachés au traité de 1756, dont ils connaissent tous les avantages, sont loin de vouloir une guerre qui le déchirerait à jamais. Si les oscillations de ce cabinet annoncent qu’ils n’ont pas toujours la prépondérance ; si elles annoncent qu’une cabale ennemie de la France y dicte quelquefois des lois, elles ne doivent pas néanmoins faire croire que l’empereur puisse jamais se déterminer à une guerre contre la France. Il faut toujours distinguer en lui le prince individuel et le chef de l’Empire. Comme prince, il veut la paix ; comme chef, il a l’air de vouloir la guerre ; comme allié du roi des Français, il doit chercher à nous effrayer ; comme roi lui-même, il doit craindre ne pas s’engager et tergiverser. Ses menaces comme ses caresses ne peuvent duper que les imbéciles émigrants de Coblence. Il importe à l’empereur d’alimenter leur rage ; mais il lui importe encore plus de ne pas la seconder avec des forces ouvertes, parce qu’il lui importe de conserver ses liaisons avec la France, parce qu’elles ne seront jamais solidement remplacées par celles avec la Prusse. Deux rivaux peuvent être un instant amis : le temps ne consacre jamais ces liaisons.
Mais laissons là cette politique du cabinet de Vienne. Que nous importe à nous qui voulons nous défendre, à nous qui en avons les moyens, à nous qui devons soutenir le plus bel œuvre que des mortels aient pu tenter ici bas, celui de conserver à 25 millions de créatures humaines une Constitution nécessaire à leur bonheur ; que nous importent les contradictions apparentes de l’empereur ? que nous importe que l’on y trouve des pronostics de paix ou de guerre ? que nous importe le double rôle qu’il joue à Paris et à Coblence ? Notre intérêt, notre gloire et notre Constitution exigent impérieusement que nous lui disions : les Français ne veulent pas être les maîtres chez les autres, mais ils ont juré de l’être chez eux. Ils ont juré de regardé comme ennemie, toute puissance qui voudrait intervenir dans leurs divisions. Cessez donc vos menaces, retirez la protection que vous promettez à la nation française... Elle a 25 millions de bras libres pour soutien : elle n’a pas besoin des vôtres ! (Applaudissements.)
Craindrons-nous la cour de Berlin plus que celle de Vienne ? Pourquoi le roi de Prusse serait-il notre ennemi ? La paix lui est-elle moins nécessaire qu’à l’empereur ? La convention de Plilnitz détruit-elle des jalousies fondées sur la nature des choses ? Empêche-t-elle qu’en cherchant à nous faire du mal, le roi de Prusse compromette ses plus chers intérêts ? Quels sont donc les motifs qui peuvent balancer chez ce prince, enclin au repos, qui sent le besoin de ramener ses ressources à un régime qui cesse de les épuiser, de suppléer le génie de son prédécesseur par une économie vivifiante, plutôt que par des extorsions qu’une guerre nouvelle nécessiterait ? Comment serait-il assez peu habile pour se laisser entraîner dans une guerre dont l’objet est en définitive de rouvrir un trésor fécond à son plus dangereux rival et par conséquent à détruire sa propre prépondérance ? Mirabeau le disait : si la Prusse se jette dans le système anglais, Frédéric-Guillaume sera dans 15 ans marquis de Brandebourg. Il le deviendrait bien plus tôt, s’il se jetait dans le système de l’Autriche. Ici les succès lui seraient même funestes.
Eh ! qui l’assurerait encore du succès ? nous ne sommes pas cette poignée de bourgeois bataves, qui voulaient conquérir la liberté sur le statdhouder, sans partager avec la classe indigente. Les ennemis les plus ardents de la Révolution française, les chevaliers les plus fervents de la prétendue cause des rois n’ont rien à offrir au peuple français qui égale les avantages dont il jouit. Les potentats européens le savent. Le successeur de Frédéric ne hasardera donc pas de ruiner, en combattant contre nous, une armée qui ne se réparerait plus ; car le temps des soldats automates est passé, et la mine de la désertion française, qui compose la moitié de l’armée prussienne, est tarie à jamais. (Applaudissements.) Il n’achèvera pas d’épuiser contre nous les économies de ce grand homme, que l’expérience avait attaché au bienfaisant régime de la paix. Frédéric-Guillaume ne jouirait pas du même ascendant que lui pour remplir son trésor. On lui demanderait si les impôts payés par les cultivateurs de ses arides États sont destinés à stipendier les assassins des Français.
La cour de Berlin a frémi, et recule plus d’une fois devant la crainte même de l’insurrection que l’impôt pouvait occasionner ; et certes, le ciel inspirera les peuples, qui s’indigneront de l’usage perfide qu’on voudrait faire contre nous, de leur sang et de leurs sueurs.
Mais que veulent donc dire les entrevues fréquentes de ces princes du nord, et les messages et les courses de leurs favoris ? Rien d’alarmant. Chacun cherche à tromper son bon et fidèle allié, à l’entraîner dans une guerre où aucun ne veut entrer de bonne foi. Vienne veut conserver son traité de 1756. Berlin cherche à le faire rompre. Vienne et Berlin ont toutes deux besoin de la paix. Ces deux cours respecteront donc, malgré leurs démonstrations guerrières, notre Constitution.
Les princes qui paraissent nous menacer davantage, sont-ils dans des circonstances plus redoutables pour nous ?
On exalte, par exemple, beaucoup les dispositions du roi de Suède. Mais que peut craindre la France, d’un prince écrasé de dettes, dont le peuple est pauvre, pour qui tout nouvel impôt est ou impossible ou dangereux ; d’un prince qui vient de se constituer lui-même banqueroutier, en suspendant le paiement des dettes de sa dernière guerre ; qui nous prouve encore plus son impuissance, en suspendant la tenue des états généraux qu’il avait convoqués. Sans doute, il craint que ce peuple, éternel ami de la liberté, et par conséquent appelé à être l’ami des Français, nullement séduit par les pamphlets répandus contre eux, que ce peuple, dis-je, ne lui témoigne son indignation...
Malgré sa triste situation, il ne faut pas douter que le roi de Suède ne rende à la maison de Bourbon des services qui le remissent en possession des subsides, dont il fallait accroître notre misère pour fournir à ses dépenses, subsides auxquels il doit renoncer. Il n’est pas douteux que le bouillant Gustave n’ait pu entrevoir, dans une aventure chevaleresque en apparence, des événements flatteurs à son ambition. Serait-il étonnant, que nouveau Pyrrhus, son imagination, lui offrant des succès faciles, lui ait montré en perspective une place à côté du prince que sa vaillance investirait de nouveau du pouvoir absolu ? Vainqueur, que lui resterait-il à faire pour persuader une noblesse servile, et qui croirait tout tenir de lui, que la France a encore besoin pour longtemps de sa tête et de son bras, et que nulles mains, si ce n’est celle du monarque suédois, ne pourront affermir un trône que tant de débris rendraient chancelant, en attendant que la crainte eût rétabli toutes les anciennes habitudes ?
Non, Messieurs, il n’est point impossible que, voulant marcher sur les pas du grand Gustave, celui de nos jours ne veuille aussi se signaler de la même manière. Rappelons-nous cette guerre de trente ans, occasionnée par des princes que la maison d’Autriche avait mis au ban de l’Empire ; un héros suédois en fut le principal moteur. Il s’agissait d’abaisser une maison qui aspirait à la monarchie universelle ; il s’agirait aujourd’hui d’arrêter, au sein d’une grande nation, les effets universels d’une révolution qui partout peut rendre aux lois leur empire, et leur assujettir ces têtes orgueilleuses qui ne veulent de loi que l’inconstance de leur volonté ; il s’agirait de rétablir dans leurs usurpations les odieux appuis du despotisme, cette noblesse mise, par d’immortels décrets au ban de l’Empire de la philosophie et de la raison. (Applaudissements.)
Voilà, sans doute, ce qui agite l’humeur guerrière du monarque suédois ; c’est à ses yeux la matière d’une spéculation de gloire et d’argent ; car les rois ne font rien gratuitement pour leurs semblables ; les affections personnelles ne sont pour eux que des prétextes. Quels rapports uniraient, par les liens de l’amitié, les Bourbons et Gustave ? Peut-on douter de son caractère entreprenant ? n’a-t-il pas, pour se débarrasser de toute entrave, violé la Constitution de son propre pays, qu’il avait jurée ? ne s’est-il pas emparé du droit de la guerre et de la paix, si dangereux pour les peuples ? Stipendié par le malheureux sultan de Constantinople, n’a-t-il pas déclaré la guerre à l’impératrice de Russie sans autre avantage pour les Suédois, que celui d’en avoir accru la misère ; d’avoir troublé, par des travaux guerriers, ceux de la paisible industrie, ceux qui enrichissent le peuple au lieu de l’appauvrir !
Or, un prince de ce caractère élève bientôt contre lui toutes les défiances. Il provoque la guerre ; il menace sans cesse le repos de l’Europe, tandis que nous prenons des mesures contre nous-mêmes, pour que ce fléau ne puisse jamais nous être reproché.
Quoi ! les potentats européens qui pouvaient se plaindre des subsides dont nous enrichissions la cour pauvre de Stockholm, se rangeraient sous sa bannière contre nous, maintenant que nous ne lui prêterons plus nos forces contre aucun de ses rivaux ! Ils applaudiraient à une ambition qui rappelle ces invasions de Goths et de Vandales dont l’espoir du pillage était l’unique motif ! Non : un pareil oubli de la sainte politique ne fera point tomber les barrières qui doivent arrêter le guerrier suédois ; il n’ouvrira point une scène qui livrerait tous les États européens aux plus terribles chances, tandis que tous ont besoin de la paix.
Cependant la Russie paraît seconder les intentions du monarque suédois. La Révolution française est, dit-on, l’objet d’un traité conclu le 18 octobre à Drottingholm entre les deux puissances ; et les roubles de la Russie, prenant la place du subside que nous ne payons pas, suppléant au vide de son trésor, à la répugnance de ses peuples pour cette guerre immorale vont aider à nous faire repentir d’avoir voulu asseoir notre liberté sur des bases éclatantes.
Cette alliance au premier coup d'œil étonne, quand on se rappelle les haines personnelles qui ont si longtemps divisé l'impératrice et le roi de Suède ; mais un peu d’attention l’explique d’une manière qui ne saurait nous alarmer.
C’est précisément d’abord parce que la Russie et la Suède s’uniraient pour nous donner des lois, que les autres puissances doivent refuser leurs concours à une alliance aussi bizarre. Eh ! n’avez-vous pas déjà vu un trait de cette défiance dans l’ombrage pris par la cour de Vienne, lorsque la Russie a voulu, par son envoyé d’Alberstadt auprès de la diète de Ratisbonne, appuyer les réclamations de l'Électeur de Trèves ? Cette intervention d’une puissance étrangère, qui voulait se porter garant du traité de Westphalie, a tout à coup effarouché le corps germanique.
Il en a été de même de l’intervention du roi de Suède, comme prince de Poméranie. Or, si une simple visite d’envoyé a pu occasionner de pareilles alarmes, que sera-ce donc quand il faudra déférer, par exemple, le généralat de la guerre à un chef ? Que sera-ce quand il faudra payer son contingent ? Toute ligue a besoin d’un chef, d’un pouvoir prépondérant qui donne à ses mouvements la célérité nécessaire. Mais, à qui ce dangereux pouvoir sera-t-il déféré ? Et si de justes défiances réclament l’égalité des suffrages, dans le conseil des potentats ligués contre notre Constitution, ces mêmes défiances n’en troubleront-elles pas sans cesse toutes les délibérations ? La fameuse ligue de Cambrai, dont la seule république de Venise fut l’objet ; la confédération de l’Europe entière contre le grand Frédéric, celles mêmes dont la France devait attendre sa ruine ou son démembrement ; l’impossibilité où nous avons été nous-mêmes de nous entendre avec l’Espagne et la Hollande contre un ennemi commun, que nous semblions vouloir écraser, tous ces exemples ne sont-ils pas propres à nous rassurer contre toutes ces ligues composées d’intérêts discordants, lors même que le simple bon sens ne nous en démontrerait pas la chimère ?
Aussi à peine cette ligue est-elle formée, que des divisions en ralentissent déjà l’exécution, que des demandes exagérées d’un côté, de la tiédeur à satisfaire de l’autre, présagent une mésintelligence qui ne tardera pas à éclater, parce qu’elle est dans la nature des choses.
Rappelons-nous la conduite du roi de Suède envers l’impératrice de Russie, lorsqu’elle était occupée à ses conquêtes au midi de ses États. Les princes ne se pardonnent point des procédés pareils, et si la tsarine n’a pas renoncé, comme on doit le croire, au trône de Constantinople, Gustave ne peut être pour elle qu’un voisin dangereux, qu’il faut éloigner à tout prix. La tsarine ne pensait pas à nous troubler, avant d’apprendre la fuite de Louis XVI, dont le roi de Suède était prévenu, et la part que ce monarque avait dans une entreprise propre à employer son activité, et à faire naître des incidents de plus d’un genre serait-il impossible que le cabinet de Saint-Petersbourg eût trouvé dans cette circonstance inattendue une occasion de donner le change à l’inquiétude de son voisin, d’un voisin jaloux et turbulent, qui peut, plus promptement qu’aucun autre, pénétrer dans le séjour de Catherine, séjour important pour elle, puisqu’il lui sert à observer la politique de puissances auxquelles la Russie semblait devoir être étrangère, et qui peut-être, doivent enfin songer, sinon à la craindre, au moins à enchaîner son ambition.
Quel ombrage notre Révolution peut-elle causer à la Constitution des Russes ? Sont-ils arrivés au point où l’homme est nécessairement ramené à ses droits par la réflexion ? Les souverains russes ont l’air de multiplier leurs efforts pour civiliser leurs esclaves ; mais si la liberté est un fruit de la civilisation, comme l’esclavage est un résultat de l’ignorance, que de degrés les peuples soumis aux lois de Catherine n’ont-ils pas à parcourir avant de l’alarmer pour les précieux avantages de la liberté ! Qu’a-t-elle donc à craindre de notre Révolution, pour qu’elle cherche à la troubler ?
Non, cette souveraine a jadis montré dans son caractère une élévation qui suppose un esprit cultivé, de vastes conceptions, une âme exempte de pusillanimité ; elle ne s’est point inquiétée de notre Révolution. Attachée aux philosophes qui l’ont préparée, elle n’a point laissé percer de petites passions contre l’Assemblée nationale. Si l’on en croit, au contraire, des avis qui paraissent sûrs, son ministre avait, lors de la fuite de Louis XVI, une lettre satisfaisante de Catherine à communiquer, lettre où le nouveau régime était reconnu ; et si son opinion paraît avoir changé depuis, c’est qu’une circonstance nouvelle, envisagée par sa profonde politique, lui a suggéré de faire un présent funeste à son ennemi le roi de Suède. Le secours qu’elle lui prête sera, pour cet Hercule suédois, la robe de Nessus, car cette guerre n’est-elle pas propre à ternir sa réputation, propre, surtout, à le rendre odieux aux Suédois eux-mêmes ? Quel souverain peut être plus à charge à une nation, si ce n’est celui qui s’occupe des mouvements d’un peuple éloigné, pour s’y rendre chef de parti ; tandis que sur ses propres foyers il a tant de malheureux à consoler, tant de dettes dont il faut préparer l’acquittement, tant d’esprits aigris à concilier, tant de travaux économiques à entreprendre, pour y faire supporter les disgrâces de la nature ?
En favorisant la disposition de Gustave à porter sur nous une attention si funeste à la Suède, le cabinet de Petersbourg se prépare à reprendre l’ascendant qu’il avait sur l’esprit des Suédois. Voilà l’explication très probablement véritable, et des espérances données aux princes français et à la ci-devant noblesse française par l’impératrice de Russie. Leur héros est le roi de Suède, il s’est mis à la tête de la vengeance combinée des rois ; elle l’a protégé, pour le perdre.
L’impératrice a voulu, nous dit-on, disposer les émigrés à venir peupler ses États ; en ce cas, les aiderait-elle à vaincre ? Et si ces secours paraissent mesurés sur ce motif intéressé, sera-ce un encouragement aux émigrés d’abandonner une patrie qui leur tend les bras, pour se condamner à la plus triste existence !
Catherine, inattaquable aux extrémités de l’Europe, méprise et nos courtisans et leurs préjugés, ne craint pas les effets de notre Révolution ; mais avide d’actions éclatantes, sa vaste ambition peut chercher à mettre à profit l’ineptie de nos chevaliers, et à faire, s’il était possible, de l’Empire français une pomme de discorde, autour de laquelle le système actuel se bouleverserait de fond en comble ; tandis qu’elle essaierait encore une fois de saisir cette couronne de l’Orient, si longtemps l’objet de ses vœux. Quel que soit, au surplus, le motif qui dirige Catherine, peut-elle être redoutable pour la France, à la distance où elle se trouve, avec des finances aussi délabrées, à la veille d’insurrections qui couvent dans son sein, que le génie de Potemkin seul réprimait, et lorsque l’ascendant nouveau du grand-duc doit faire craindre à l’impératrice de mourir sans couronne, au lieu de joindre à la sienne celle de l’Orient !
Quelles autres puissances voudrait-on nous faire redouter autrement que dans une ligue que tant d’intérêts divers rendent impossible ? Le monstre dont on nous menace a trop de têtes ; et il ne peut nous faire aucun mal, si nous savons ne pas nous effrayer. Chaque souverain trouve autour de lui mille puissants motifs de rester en paix avec la France, et pas un qui, aux yeux de la raison, les porte à la tracasser. Les peuples élèvent partout les mains au ciel en notre faveur. Le guerrier dont l’épée sera teinte du sang d’un Français libre, sera un objet d’horreur. Et pourquoi n’aurions-nous pas pour nous les vœux de toutes les nations ? Il n’est peut-être pas un seul gouvernement qui, depuis la Révolution française, n’ait cherché à être plus humain et plus juste.
Voyez l’Allemagne adoucir ses lois si sanguinaires sur le droit de chasse, ne plus condamner le paysan à semer pour les bêtes fauves, ne plus le condamner à des supplices aussi rigoureux lorsqu’il les trouble dans leurs dégâts.
Voyez le prince de Danemark fermer l’oreille aux propositions hostiles de l’impératrice de Russie, et ne s’occuper des moyens de prévenir dans son sein les effets de la Révolution française, qu’en rendant ses peuples plus heureux, qu’en abolissant le servage féodal.
Voyez enfin la révolution qui vient de changer la face de la Pologne, révolution qui doit causer un nouvel effroi aux puissances du Nord, en arrêter leur ligue réelle ou simulée. Là s’établit un nouveau foyer d’instruction, qui doit répandre dans cette partie de l’Europe la langue de la liberté, et ces effets ne seront arrêtés ni par les ordonnances inquisitoriales, ni par les mariages, ni par les traités que combinent les princes voisins, pour s’assurer la prépondérance dans les affaires de la Pologne. La liberté, en s’étendant partout, en instruisant tous les hommes, déjouera bien facilement toutes ces combinaisons, restes impuissants d’une diplomatie qui ne sera bientôt plus qu’un rêve.
La Pologne est maintenant liée par un intérêt commun avec la France : cet intérêt est celui d’étendre la liberté, et de s’opposer aux tyrans. Tous les deux pays suivent à peu près la même marche : on vend à Varsovie les starosties ; on y fabrique des assignats hypothéqués sur des starosties ; et si la Pologne a ses mécontents, ses rebelles, son Coblence à Jassy, la diète déploie la même sévérité que vous ; mais plus heureuse que vous, elle n’est pas arrêtée par un veto du pouvoir exécutif qui marche de front avec elle. (Applaudissements à la gauche de l’Assemblée et dans les tribunes.) Le même langage retentit dans cette capitale et à la diète de Varsovie. Tandis que nous faisions ici des vœux pour la Révolution française, un Polonais disait à la diète : “Je suis sûr que les Français généreux volerait aux secours du Polonais opprimé. J’ aimerais que les Français sussent que le même sentiment existe dans le cœur des Polonais. Je croirais manquer à mon devoir si je ne priais le roi de faire déclarer par le ministre de la république, que les Polonais se réjouissent du sort heureux de la France ; et qu’ayant les mêmes intérêts à défendre, quoique de vastes pays les séparent, le nom sacré de la liberté les rapprochera et les unira toujours par des nœuds indissolubles.”
Les vœux de ce brave Polonais ont été entendus. Oui, sans doute, il se formera naturellement entre tous les peuples libres une confédération sainte, qui doit arrêter les puissances qui voudraient attaquer la liberté de la France ; et la France libre ne souffrira plus qu’un triumvirat de despote se partage impunément les dépouilles de la Pologne.
On cherche en vain sur la carte de l’Europe les puissances que pourrait encore redouter la France ; le despotisme et ses abus ont avili celles qui jouaient jadis un grand rôle : c’est que le despotisme est à l’image de Saturne ; il se dévore lui-même, après avoir dévoré ses peuples. Voyez ce prince espagnol qui ose douter de la liberté du roi, et de la stabilité de notre Constitution ! une marine considérable, sans matelots ; des moines, et point de soldat ; des mines, et point d’argent ; des colonies, et point de manufactures ; des banques et point de crédit ; des dettes, et point de moyens pour les payer : tel est l’état paralytique du gouvernement d’Espagne, dont le peuple ne peut ressusciter que par la liberté ! (Applaudissements.)
Tel est celui de Sa Majesté sarde, qui pendant quelque temps a paru menacer la France, et dont tous les efforts avortés ont prouvé l’impuissance.
Tel est aussi celui de cette Hollande, si grande lorsqu’un de ses simples bourgeois, lorsqu’un Vanbeuning dictait des lois à Louis XIV ; si pauvre aujourd’hui qu’elle n’a ni la force de renvoyer ses geôliers prussiens et allemands, ni le moyen de les payer ; qui s’écrase d’impôts pour soutenir ses compagnies agonisantes ; qui meurt par le discrédit, au milieu même du crédit. Aussi n’a-t-on rien à redouter ni du stathouder abandonné des régences et des États qui l’ont le mieux servi, menacé par le parti qu’il a écrasé, ni de ses liaisons refroidies avec la Prusse, ni de ces avances que font aujourd’hui les États à l’empereur pour resserrer avec lui leurs liens. Ces États, mis en avant par une princesse ambitieuse, seront les jouets de leur politique insensée. Le peuple est mécontent, ami de la liberté, et plus éclairé qu’il ne l’était en 1788, et l’on n’arme pas impunément un pareil peuple contre un peuple libre.
Dans tous ces États, les gouvernements y détestent les principes de notre Révolution ; mais dans tous, les nations les adorent, les entendent, et peut-être n’attendent qu’une occasion pour les réaliser, et voilà le meilleur fondement de notre tranquillité. La ligne de démarcation est maintenant tracée entre les sociétés et leurs gouvernements. Il n’est maintenant aucun peuple qui secondât ses tyrans pour mettre aux fers la nation française.
En vain les cabinets politiques multiplieront les négociations secrètes, les traités de Pilnitz et de Drottingholm ; en vain ils s’agiteront, ils agiteront toute l’Europe pour attaquer la France ; tous leurs efforts échoueront, parce qu’en définitive il faut de l’or pour payer les soldats, des soldats pour combattre, et un grand concert, pour avoir beaucoup de soldats. Or, les peuples ne sont plus disposés à se laisser épuiser pour une guerre de rois, de nobles, et surtout pour une guerre immorale, impie. Les soldats ont entendu le cantique sacré de la liberté, et ils ne combattront pas contre leurs frères, pour les tyrans ; ils ne combattront pas pour une misérable paie et le bâton, lorsqu’en consentant à être libre, ils peuvent être mieux payés, et parvenir à tous les grades, à tous les emplois. (Applaudissements.) Enfin, le concert entre les puissances est une chimère : leurs intérêts sont trop différents, trop contraires, pour céder à l’intérêt général, à l’intérêt de la cause des rois.
(à suivre...)
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Brissot : Sur les dispositions des puissances étrangères Empty Re: Brissot : Sur les dispositions des puissances étrangères

Message  Vogesus Sam 10 Juil 2010 - 21:19

(suite et fin)

Il faut bien se garder de juger les idées et les projets des princes par le faste et l’appareil qui les entourent, et par le mystère imposant dont ils les enveloppent. Ces idées sont souvent mesquines, confuses, vacillantes. Les rois appartiennent, plus que les autres hommes, à la fragile humanité ; et la politique franche d’un peuple libre, qui règle ses combinaisons sur les principes, est bien supérieure aux manèges qu’on intitule politique ou science de l'État. La franchise est la seule finesse d’un peuple libre ; son secret doit toujours être sur ses lèvres. C’est le privilège de la force éclairée ; le mystère ne cache presque toujours que la peur. Aussi, aurait-on tort de s’effrayer de tous ces projets qui s’entassent les uns sur les autres, de ces ligues qui se succèdent, ligue de Pilnitz, ligue de Drottingholm, ligue projetée des états généraux et de l’empereur : tous ces projets que cachent qu’une terreur réelle et une nullité bien démontrée. La Russie craint la Suède, la Prusse et l’Autriche se craignent mutuellement, le stathouder craint pour son despotisme, les États pour leur aristocratie ; tous craignent les effets de la Révolution française. Tous voient bien que la paix les propagera partout ; mais tous voient aussi qu’attaquer de front la France, c’est inoculer, par une commotion rapide, dans leurs États, ce qu’ils appellent le mal de la liberté ; tous doivent donc désirer la paix, s’ils veulent se hâter de régner. (Applaudissements.)
De ce tableau de la situation des puissances étrangères, que doit-il résulter ? Qu’aucune puissance considérable ne peut vouloir et ne peut tenter la guerre avec la France. Il en résulte que puisque la Suède, la Russie et l’Espagne annoncent des dispositions hostiles, puisque les autres princes stimulent secrètement les rebelles, et leur fournissent des fonds ; il en résulte, dis-je, que nous n’avons à craindre la guerre avec aucune de ces puissances.
Mais, ce ce que nous ne devons craindre aucun de ces princes, s’ensuit-il que nous devions rester paisibles, que nous ne devions armer que le nombre de troupes nécessaires pour chasser les émigrés de Coblence et de Worms ?
Messieurs, je dis, au contraire, que la France doit prendre une attitude fière, doit déployer les plus grandes forces pour faire cesser la comédie que jouent toutes ces têtes couronnées (Applaudissements.) pour mettre fin à toutes ces terreurs, dont elles nous environnent, aux discordes qu’elles sèment au milieu de nous; enfin, pour faire respecter partout et notre Constitution et le nom français, et tous nos concitoyens que leurs intérêts appellent au dehors, et la liberté universelle, dont nous sommes les dépositaires. (Applaudissements.)
Le tableau que je viens de faire des puissances européennes serait-il trompeur ? Quoique tout leur commande la paix, les princes voudraient-ils la guerre ? Je veux le croire un instant, et je dis que nous devrions nous hâter de les prévenir. - Qui prévient son ennemi l’a vaincu à moitié. (Applaudissements.) C’était la tactique de Frédéric : et Frédéric était maître dans cet art.
Je veux donc croire que l’empereur et la Prusse, que la Suède et la Russie soient sincères et de bonne foi dans les traités qu’ils viennent de conclure ; je veux croire qu’ils se soient engagés à détruire, par la force, la Constitution française, ou à la modifier, à y amalgamer une Chambre haute, une noblesse ; je veux croire que pour effectuer cet étrange amalgame, ils aient résolu de convoquer un congrès général des puissances de l’Europe ; je veux croire qu’ils y citent la nation française, qu’ils la menacent si elle ne se soumet pas. Je vous le demande, je demande à la France entière : quel est le lâche qui, pour sauver sa vie, accepterait une capitulation ignominieuse ? (Applaudissements.) Je ne vous parle pas de vos serments à la Constitution ; un serment n’est rien pour le lâche. - Mais celui qui sent profondément la dignité de l’homme ; celui qui s’est une fois élevé à la hauteur de la liberté, qui, de cette hauteur, a laissé tomber ses regards sur la tourbe des despotes, qui ne voit en eux que des monstres ennemis de la nature humaine, qui leur a juré une guerre éternelle ; cet homme ne s’arracherait-il pas plutôt l’âme que de céder jamais à l’ordre d’un despote étranger ? Oui, croyons-le, s’il se trouve des Porsenna, nous trouverons aussi des Scevola ! (Applaudissements.)
Ainsi donc, ou les princes étrangers veulent et peuvent faire la guerre et il faut les prévenir, il faut décider une bonne foi, à la pointe de l’épée si le génie de la liberté doit éternellement succomber sous le despotisme ; ou bien ces princes ne veulent pas la guerre, et en font le semblant ; et il faut les démasquer en constatant aux yeux de l’Europe leur impuissance. Cet acte solennel d’un grand peuple qui appelle à son épée, pour se faire respecter, pour reprendre sa place parmi les puissances, est le sceau qui doit consacrer pour elles son immortelle Révolution.
La guerre est nécessaire à la France sous tous les points de vue.
Il la faut pour son honneur ; car elle serait à jamais déshonorée si quelques milliers de brigands pouvaient impunément braver 25 millions d’hommes libres.
Il la faut pour sa sûreté extérieure ; car elle serait bien plus compromise, si nous attendions tranquillement dans nos foyers le fer et la flamme dont on nous menace, que si, prévenant ces desseins hostiles nous voulons les porter nous-mêmes dans les cavernes des brigands qui osent nous braver.
Il la faut pour assurer la tranquillité intérieure, car les mécontents ne s’appuient que sur Coblence, n’invoquent que Coblence, ne sont insolents que parce que Coblence existe. (Applaudissements.) C’est le centre où aboutissent toutes les relations des fanatiques et des privilégiés ; c’est donc à Coblence qu’il faut voler, si l’on veut détruire et la noblesse et le fanatisme.
Il la faut, cette guerre, pour rétablir nos finance ; car c’est Coblence qui nous jette dans des dépenses extraordinaires, qui absorbe la précieuse ressource de nos assignats.
Il la faut pour établir notre crédit public ; car ce crédit tient à l’opinion que les étrangers et les citoyens peuvent avoir de la stabilité de notre Révolution ; et ils ne peuvent croire à cette stabilité lorsque 25 millions d’hommes balancent à punir quelques rebelles.
Il la faut enfin, pour mettre fin aux terreurs, aux trahisons, à l’anarchie ; car plus de terreurs si le foyer de la contre-révolution est détruit, et plus de trahisons s’il n’existe plus un parti pour les appuyer. Je ne compare pas ici nos forces militaires avec celles de nos ennemis ouverts et secrets : nous devons, si nous voulons rester libre, demander comme les Spartiates, où sont nos ennemis, et non pas combien ils sont (Applaudissements.) et d’ailleurs, s’il était nécessaire de faire ce parallèle, on verrait que tout l’avantage est de notre côté... car maintenant tout citoyen français est soldat, et soldat de bon cœur ! (Applaudissements.) Et quelle est la puissance sur la terre, où est le Gengis, où est le Timur, eût-il des nuées d’esclaves à sa suite, qui pût se flatter d’enchaîner 6 millions de soldats libres.
Tout nous invite donc à nous préparer à la guerre ; cette guerre sera un vrai bienfait, un bienfait national : et la seule calamité que la France ait à redouter, c’est de ne pas avoir la guerre, c’est de prolonger ce dessèchement, cette langueur qui l’épuise.
Eh ! Messieurs, tel est peut-être le sort qui nous attend ; car, j’en juge par le prélude d’hier : on se prépare à nous jouer avec des défenses prétendues aux émigrants de s’armer, de s’exercer. On croit nous apaiser avec des mensonges diplomatiques (Applaudissements.) mais j’aime à croire que la France ne se laissera pas séduire par ces artifices, et qu’elle exigera la dispersion, l’expulsion des rebelles. C’était ainsi que l’Angleterre parlait dans ses beaux jours aux puissances qui donnèrent asile aux rebelles.
Mais on se défie du pouvoir exécutif qui désire, qui provoque la guerre. Eh ! que vous importent les motifs secrets qui dirigent la cour ! La politique d’un grand peuple doit-elle descendre à ces considérations mesquines ? Non : sa politique est simple et franche. La justice et la force : voilà ce qu’il doit consulter. Les hommes qui veulent nous effrayer sans cesse des manège de notre cour, de notre ministère, ne sont pas à la hauteur de la Révolution.
Il faut dédaigner enfin ces petites intrigues, ces combinaisons obscures de comités secrets, que nous honorons trop par nos inquiétudes. Il est temps de reléguer dans le néant cette politique tracassière qui ose lutter contre l’ascendant d’une grande nation, contre le torrent irrésistible de la liberté, il est temps de ne plus laisser tomber que des regards de mépris, et sur ces conférences mystérieuses de quelques intrigants qui, prenant notre Révolution pour une copie de la Fronde, croient y jouer un rôle malgré leur nullité, et sur ces promenades éternelles de négociateurs ineptes ou fripons, qui ne négocient rien (Applaudissements.), et sur ces demi mots recueillis stupidement, ou imprimés par ordre dans des journaux stipendiés pour réveiller les terreurs, l’espérance ou l’idolâtrie. Non, le sort de la France ne se décidera plus dans un boudoir (Applaudissements.) ; il ne dépendra plus des fantaisies ou des erreurs d’un individu. Qu’il veuille ou ne veuille pas la Révolution, que nous importe ? La nation le veut, et la nation est tout.
C’est donc l’intérêt seul de cette nation qu’il faut consulter ; et cet intérêt veut la guerre, parce que la nation doit vouloir sa dignité, sa majesté, sa sûreté, son crédit, et qu’elle ne peut les reconquérir qu’à la pointe de l’épée.
Je vote donc cordialement, et pour approuver les mesures militaires prises par le roi, et les 20 millions demandés par le ministre, sous les conditions qui doivent en assurer le bon emploi.
Mais ne devons-nous nous borner à ces mesures ? Je ne le crois pas. Un peuple libre ne doit pas frapper à demi : ses coups doivent être pleins, assurés ; il ne doit pas, lorsqu’il veut faire tomber sa vengeance sur de petits princes, oublier les injures que lui font des puissances plus considérables. Une pareille conduite annoncerait faiblesse ou lâcheté ; et cette lâcheté détruirait tout l’effet que doit faire sur l’opinion publique le châtiment qui doit être infligé aux princes allemands.
Maintenant, quelles sont ces puissances dont la France libre a droit de se plaindre. Vous avez entendu les divers rapports qui vous ont été faits des réponses des cours étrangères à la notification de la Constitution adoptée par la nation française.
Ces réponses ont dû vous pénétrer d’une idée qui perce presque dans toutes : c’est que tous les gouvernements, au contraire des peuples, ne voient pas d’un bon œil notre Révolution ; aucun ne lui rend hommage ; aucun ne félicite la nation d’avoir reconquis sa liberté. Plusieurs ont fait des vœux pour la monarchie française, parce que ce mot prête à un double sens, et rappelle l’ancien retour des choses, où l’on appelait du nom de monarchie un gouvernement absolu, un gouvernement qui, partagé entre des ministres-rois et indépendants les uns des autres, ne présentait que l’image d’une confédération anarchique, pour dépouiller les peuples au nom d’un individu qui laissait proclamer sa volonté, comme celle d’un despote. A côté de cette stérilité de vœux pour la nation française, on voit les expressions d’attachement, de reconnaissance prodigués au roi, sans nul témoignage d’égards pour l’Assemblée législative, pour les représentants d’une nation qui s’est déclarée l’amie de toutes les autres, d’une nation dont les rapports extérieurs ne doivent plus causer le moindre ombrage. - Les gouvernements qui nous environnent ne sont-ils donc attachés qu’à des rois, qui puissent sans cesse les faire trembler par leur ambition ou par une politique sans cesse insultante et tracassière !
Il n’est pas jusqu’aux lettres de quelques républiques, lettres adressées au roi d’un peuple libre, où règne encore une basse adulation. On aurait droit d’en être surpris, si l’on ne savait pas que la plupart des républiques modernes ne sont que des aristocraties déguisées, qui, toujours inquiètes sur leur gouvernement, en ont placé la force dans l’appui des despotes étrangers.
Quoiqu’il en soit, la majorité de ces puissances paraît, d’après ces réponses, disposée en apparence à maintenir la paix avec la France. D’autres semblent vouloir la rompre et faire cause commune avec les fugitifs mécontents. Entre celles-ci on distingue surtout les Électeurs de Mayence et de Trèves, le roi de Suède et celui d’Espagne, l’impératrice de Russie et la cour de Rome.
Je l’ai dit : je veux croire qu’on ne doit pas mettre de ce nombre l’empereur d’Allemagne, quoique toute sa conduite prouve sa malveillance, quoique sa lettre menaçante qui exige de cette Assemblée une mesure convenable à sa dignité. Léopold y dit au roi des Français : “qu’il désire que le parti qu’il a pris réponde à ses vœux pour la félicité publique ; et en même temps que les causes qui sont communes aux rois et aux princes, et qui, par ce qui s’est passé dernièrement, ont donné lieu à de funeste augures, cessent pour l’avenir ; et que l’on prévienne la nécessité de prendre des précautions sérieuses contre leur retour.”
Dans d’autres lettres dont l’authenticité n’est pas niée, dans une circulaire du 6 juillet, datée de Padoue, il paraît que l’empereur invite les autres puissances, tout en reconnaissant la liberté du roi, à se tenir en armes et coalisées pour maintenir la sûreté du roi des Français et la monarchie française, si des troubles intérieurs les menaçaient.
La France doit apprendre aux rois de l’Europe, qu’il n’appartient à aucun de la menacer d’intervenir dans ses divisions, et qu’elle saura bien défendre elle seule la Constitution qu’elle a adoptée, et réduire ceux qui s’y opposeront. Elle l’apprendra sans doute à ce roi de Suède, qui non seulement a eu l’insolence de ne pas vouloir recevoir la notification de la Constitution française, qui non seulement a cessé de recevoir le chargé d’affaires de la France, mais encore a embrassé ouvertement le parti des rebelles, leur a envoyé un ambassadeur, leur a promis des secours.
La conduite du roi d’Espagne est moins extravagante, mais il n’annonce pas des dispositions plus favorables pour la Révolution française. Il a fait déclarer par son ministre, au chargé des affaires de la France “que le roi catholique ne saurait se persuader que les lettres de notification du roi très chrétien avaient été écrites avec une pleine liberté physique et morale de penser et d’agir, et que jusqu’à ce qu’il puisse se persuader, comme il le désire bien sincèrement que le roi, son cousin, jouisse d’une pareille liberté, il ne répondra pas à ses lettres, ni à aucune autre chose où l’on prendra le nom royal dudit souverain.” Cependant il a donné l’assurance qu’il ne songeait point à troubler la tranquillité de la France.
Le ministre des affaires étrangères, en vous rendant compte de ces deux réponses des rois de Suède et d’Espagne, vous a dit que le roi des Français a donné ordre à son chargé d’affaires en Suède d’insister sur la remise du paquet, et de se retirer sans congé si on ne voulait pas le recevoir.
Quant à l’Espagne, il a ajouté que le roi avait pris les mesures qu’il avait jugées les plus propres à rétablir la communication avec le roi d’Espagne ; que Sa Majesté s’en était occupée personnellement, et qu’elle attendait avec confiance l’effet des moyen qu’elle avait pris.
En rendant hommage aux bonnes intentions qui ont dirigé le roi, les amis de la justice regrettent de voir sa cause dégénérer en affaire de famille. Non, ce n’était pas ainsi que devait être réfutée une insolente calomnie sur la prétendue captivité du roi. Ce n’est pas par des considérations de parenté, qu’on doit amener l’Espagne à reconnaître la Constitution française que la notification devait lui en être faite, et lorsque cette notification était suivie d’une réponse outrageante, il fallait la ressentir et la repousser d’une manière convenable à la grandeur de la nation.
Et qu’a produit à cet égard la mollesse ? A ces amicales instances du roi des Français, qu’a répondu le roi d’Espagne ? Qu’il n’était pas encore convaincu de la liberté du roi. C’est ainsi qu’on a inutilement prostitué à un individu la majesté d’une grande nation ; et il ne s’est pas borné à l’insulter dans des lettres particulières, il y a joint une part très active dans tous les complots des rebelles. C’est pas suite de sa coalition avec eux, que s’il n’a pas protégé la révolte des noirs à Saint-Domingue, au moins il n’a donné aucun secours aux Français ; qu’il a violé le traité qui le lui commandait. C’est encore ainsi que, sous prétexte de craintes ridicules, il a voulu enchaîner à sa domination par une cédule barbare, tous les Français qui, de l’Espagne, tournaient encore leurs regards vers la patrie ; qu’il les a cruellement expulsé de ses États... Et des injures aussi graves et des violations aussi manifestes de nos traités n’ont pas été senties cette fois, n’ont pas été repoussées par le représentant héréditaire du peuple ! Et il a gardé le même silence sur les insultes réitérées de la cour de Rome, sur son manifeste relatif à Avignon ! Cette cour pour laquelle la France avait témoigné tant de générosité, en consentant à l’indemniser de la perte du pays qui ne lui appartenait pas ; cette cour a eu l’audace d’expulser de son sein le chargé des affaires de France.
Celle de Russie a porté la même proscription contre les agents de la nation française ; et, indépendamment de son silence sur la notification de notre Constitution, silence qui annonce des dispositions malveillantes envers la nation, il est manifeste qu’elle embrasse aujourd’hui la cause des mécontents, soit en leur fournissant des secours d’argent, soit en accréditant un envoyé auprès d’eux. Cependant, qu’a fait depuis le pouvoir exécutif à l’égard de l’Espagne, de la Suède, de la Russie, de Rome ? Rien.
Il fallait se hâter de rappeler nos agents de Stockholm, de Saint-Petersbourg, de Madrid ; il fallait se hâter de signifier leur congé aux envoyés que ces cours ont en France ; et l’on a toléré qu’ils restassent paisibles lorsqu’on insultait à notre Constitution dans leurs pays ; l’on a toléré que leurs maisons fussent l’asile d’intrigues et de conspirations, et qu’ils abusassent du bienfait de la liberté contre elle-même.
Il fallait signifier à ces cours, que l’assistance qu’elles donneraient aux rebelles serait regardée comme des actes d’hostilité.
Il fallait, en remontrant à la cour de Madrid combien sa conduite à l’égard des Français, soit à Saint-Domingue, soit en Espagne, était odieuse ; il fallait lui rappeler l’article 4 du traité des Pyrénées, l’article 23 du pacte de famille qui lui enjoint de regarder, de traiter les Français comme la nation la plus favorisée et cependant les enfants de cette nation la plus favorisée ont été soumis à des vexations qui n’ont frappé sur aucune autre nation, à un serment contraire aux traités et aux droits des gens, à une expulsion qui équivaut à une déclaration de guerre. Il fallait rappeler au roi d’Espagne l’article 1er du pacte de famille, qui ordonne aux parties contractantes de regarder comme ennemis ceux qui se servent de l’une ou de l’autre ; il fallait lui demander si c’était en exécution de ce traité, que le roi d’Espagne protégeait, aidait les rebelles et fomentait leurs complots, tenait des agents auprès d’eux ; il fallait enfin lui déclarer qu’il était un terme à la patience d’un peuple libre et puissant ; et que si l’Espagne n’en mettait pas un à ses manœuvres hostiles, une juste vengeance saurait bientôt l’y amener.
Il fallait observer à l’empereur combien sa conduite équivoque devait déplaire à une nation franche et souveraine ; enfin il fallait lui observer que nos conjurés avaient toujours trouvé un asile dans ses États, que le prince Xavier s’était retiré à Mons, Bouillé à Luxembourg qu’il avait écrit ses menaces insolentes. Il fallait lui observer qu’à cette époque l’abbaye d’Orval avait été royalement meublée, Luxembourg garni d’une nombreuse artillerie ; il fallait lui observer que si depuis l’avortement du projet de Montmédy, il défendait les cocardes, il ne défendait pas les uniformes aux rebelles dans ses États ; que s’il les traitait sévèrement dans quelques ordonnances violées ouvertement, ses agents les accueillaient avec amitié et même intimité ; que s’il leur défendait des recrues militaires, il ne leur défendait pas, quoiqu’on vous l’ai dit ici, de se rassembler et de s’équiper même. Il fallait lui observer que si d’un côté, par ses lettres au roi, il rassurait la monarchie française, de l’autre, il cherchait à effacer la Constitution par sa déclaration de Pilnitz, par sa lettre à l’impératrice et par sa circulaire de Padoue et de Vienne qui ordonnent une coalition des princes et par un rassemblement considérable de troupes dans les Pays-Bas. Il fallait le rappeler au traité qui fixe impérieusement leur nombre à 40 000 hommes, tandis qu’on en compte près de 60 000. Il fallait lui rappeler ce traité si funeste à la France, ce traité de Versailles du 1er mai 1756 qui porte, article 3, « que les parties contractantes travailleront toujours de concert aux mesures les plus propres au maintien de la paix, et qu’elles emploieront, dans le cas où les États de l’une et de l’autre seraient menacés d’une invasion, leurs bons offices pour l’empêcher. Il fallait lui demander si c’était pour exécuter ce traité, qu’il avait conclu les traités de Reichenbach et de la Haye sans y appeler la France, qui devait y figurer comme garante de la Constitution belge. Il fallait lui demander encore si c’était pour exécuter de traité de 1756 que, depuis 18 mois, il n’a pas daigné employer auprès des Électeurs de Trèves et de Mayence, je ne dis pas ses ordres comme chef des corps germanique, mais même ses bons offices pour faire cesser ces rassemblements. Il fallait non par besoin, puisque la France saura bien défendre sa liberté, sans le secours d’aucune puissance étrangère, mais pour mettre la foi de I’empereur à l’épreuve, il fallait réclamer la clause qui l’oblige de fournir à la France 24 000 hommes en cas d’attaque. II fallait, en répondant à toutes les chicanes élevées sur les indemnités des possessionnés d’Alsace ; il fallait et il faudra lui prouver que la souveraineté du peuple ne peut être liée par les traités de ses tyrans ; qu’il fait acte de générosité en indemnisant : mais que laisser subsister des taches de féodalité dans une Constitution libre, est proposer la destruction de cette Constitution (Applaudissements.) Il fallait et il faudra réclamer contre l’obstination affectée à toujours parler de Sa Majesté et jamais de la nation ; prouver qu’il est plus que suspect de convoquer le ban de l’Empire pour défendre des gazettes ou des pamphlets ou quelques droits féodaux. Il fallait dire enfin à l’empereur, au nom de la nation française, que tant de tergiversations commençaient à lasser sa patience, et qu’elle préférerait son inimitié ouverte à une conduite aussi tortueuse.
Mais, Messieurs, ce langage digne de Romains, digne d’hommes Iibres, pouvait-on l’attendre de la vieille diplomatie, de cette diplomatie si respectueuse pour des tyrans, si insolente à l’égard des peuples ?
Pouvait-on l’attendre d’un ministre longtemps nourri de ses poisons, qui, en nous rendant compte, a osé nous dire qu’il ne le rendait que d’après l’ordre du roi, comme si l’ordre des représentants du peuple n’était rien pour lui?
Pouvait-on l’attendre d’un ministre qui a caché pendant tout le cours de l’Assemblée constituante la suspension de communications entre les agents du pouvoir exécutif et les autres cours, qui n’a pas ressenti cette injure et tant d’autres que recevait la nation française, qui ne les a pas dénoncées, qui n’en a pas sollicité vengeance ?
Pouvait-on l’attendre d’un ministre qui n’a cessé de conserver dans leurs places les envoyés dont la haine pour la Révolution était connue ou qui les remplaçait par d’autres contre-révolutionnaires?
Pouvait-on l’attendre d’un homme qui, sans cesse dénoncé à l’opinion publique, ne se justifiait qu’en accusant ses dénonciateurs de n’avoir d’autre patrimoine que les troubles ? Il oubliait qu’il est aussi des hommes qui n’ont pour patrimoine que la bassesse et l’adulation. Il oubliait qu’Aristide et Phocion n’avaient pas de patrimoine, et que Démades, qui dix fois vendit sa patrie, en avait beaucoup. (Applaudissements.)
Pouvait-on l’attendre d’un ministre qui, informé de tous les projets de contre-révolution, n’en a dénoncé aucun ; qui les encourageait au moins par son silence et par sa mollesse coupables ; qui dans la lettre où il a notifié aux puissances étrangères la Constitution française, ne parle ni de la nation, ni de la liberté, et laisse percer sa haine pour elle dans la sécheresse de son langage ; quitte le ministère sans rendre aucun compte, et sollicite une loi pour enchaîner la liberté de nos écrits et même de nos débats sur les gouvernements, sous prétexte qu’ils en sont mécontents ! — Comme cette idée a été répétée dans le discours du roi, comme elle pourrait influer sur nos discussions, il importe de l’examiner.
Ce n’est plus avec les gouvernements, ce n’est plus avec 5 ou 6 individus que la France est appelée à se lier désormais, c’est avec les nations ; et nous respectons les nations, et la liberté des débats ne peut que les instruire. Nous respectons, nous chérissons les hommes qui les gouvernent sagement. Qui de nous ne rend pas hommage à Washington, à Powniatowski Que les rois les imitent, et nous leur dresserons des statues. (Applaudissements.)
Les hommes à conceptions étroites, qui viennent nous prêcher cette petite politique, ignorent donc que les gouvernements ou quelques individus n’armeront plus désormais des nations à leur gré pour se venger d’un paragraphe de gazette, et tenir 30 ans un gazetier dans une cage de fer !
Ils ignorent donc que les peuples libres, comme les Anglais et les Américains, maltraitent aussi les gouvernements; et l’on ne voit pas fondre chez eux l’Espagne ou la Hollande, parce qu’ils s’amusent de leurs ridicules.
Ils ignorent donc que la liberté de la presse est la base de notre liberté : que lui porter atteinte est un crime ; que nulle amitié de potentat ne peut expier ce crime.
Ils ignorent qu’un représentant du peuple ne doit de respect qu’à la liberté, qu’à la vérité; que si, sous prétexte le de ménagements pour l’empereur ou le roi d’Espagne, on parvient à nous fermer la bouche, il faudrait bientôt nous incliner devant le turban du dey d’Alger ou la mitre liégeoise, s’ils étaient protégés dans les bureaux des affaires étrangères. (Applaudissements.)
C’est une coutume un peu vulgaire, disait Mirabeau, que de changer, par un acte diplomatique, toutes les vielles formules, toutes les pitoyables rubriques, toutes les tracasseries meurtrières à la politique moderne.
A qui appartient-il en France, de faire ce changement ? Au ministre des affaires étrangères : et cependant il n’est pas fait. Il semble qu’on ait voulu soustraire ce département à I’influence de la Révolution. On y a conservé les mêmes formes, le même mystère, la même fausseté de langage. On ne voit partout que le roi ; la nation semble ne pas exister encore pour la diplomatie. S’agit-il de traiter des puissances étrangères en ennemies ? On fait dire au roi dans un discours qu’il les regardera comme ennemies. — Il les regardera !... J’aurais aimé à entendre, dans la bouche d’un roi constitutionnel, que la nation les regardera. (Applaudissements.)— Car c’est le vœu de la nation que le roi exécutait; c’est son vœu qu’il exprimait. Ce n’est que d’après son vœu et son vœu manifesté par ses représentants, qu'il peut regarder et traiter des voisins, en ennemis. Quand la langue diplomatique se purifiera-t-elle donc ? Heureux encore si nous n’avions à lui reprocher que des solécismes politiques ! Mais, les outrages dont la nation a été abreuvée au dehors, sont dus à l’inertie, à la connivence de notre diplomatie. Dans la main d’un patriote, elle eût, il y a longtemps, imposé silence aux puissances qui osent nous menacer. Mais quelle confiance peuvent-elles prendre dans la Révolution, lorsqu’elles voient, malgré les cris de la nation entière contre le corps diplomatique, un ministre qui se dit patriote, se borner à déplacer les agents de ce corps; remplacer des hommes coupables par des hommes suspects ; craindre d’envoyer des Popilius à la tour des rois ; continuer près des Électeurs, des ministres, lorsqu’il ne faudrait leur envoyer, comme le roi de Prusse, que des capitaines pour leur signifier nos volontés ; conserver dans ses bureaux les même individus qui, élevés dans la fange de l’ancienne diplomatie, y maintiennent le même système d’aristocratie ! Peuvent-elles croire à la Révolution, en voyant jouer la comédie à la face même des représentants du peuple, en voyant un ministre leur taire les faits les plus graves, se taire éternellement sur Coblence et sur Worms, ou ne révéler les faits que lorsque l’opinion publique l’y contraint, et ne cesser de vanter ses communications franches et loyales ! — C’est mon devoir de le dire : à la place de ces communications franches et loyales dont les ministres nous parlent si souvent, je ne vois que des conférences mystérieuses avec des hommes à qui l’on croit de l’influence, conférences où l’on prépare les décrets, les discours, l’attaque, les placards, les pamphlets contre les amis du peuple ; où l’on commande les proclamations, les pétitions de directoires, (Applaudissements.) où l’on concerte les interruptions, les ajournements et les applaudissements.
Ah! si les ministres pouvaient enfin se pénétrer de la grandeur de notre Révolution, de la dignité d’un peuple libre, et des dangers que nos divisions peuvent faire naître ! au lieu de mettre tant de réserve, tant de hauteur dans leurs communications ; au lieu de vouloir lutter corps à corps avec leurs supérieurs, et de prétendre leur donner des leçons, ils chercheraient à aplanir les obstacles semés autour de nous ; ils se concerteraient franchement avec nous pour repousser l’ennemi commun; ils ne nous harcèleraient pas de chicanes ; ils ne prêcheraient pas la nécessité pour les pouvoirs, de se respecter en insultant un de ces pouvoirs ; ils ne parleraient pas de la paix, en protégeant des incendiaires, d’ordre dans les finances, en ne rendant pas compte, d’amour de la Révolution, en confiant des choix importants à des officiers de Coblence ; d’amour de la justice, en faisant le panégyrique de coupables, et calomniant des hommes justes... enfin, ils ne tenteraient pas en tout de faire servir la Constitution à déifier le ministère, lorsque nous ne voulons, lorsque nous ne devons déifier que la souveraineté du peuple. (Applaudissements.)
Messieurs, si les ministres et ceux qui les soutiennent, aiment, comme les patriotes, la gloire de la France et le règne de la liberté, qu’ils soient de bonne foi comme nous. Nous voterons la guerre avec eux ; qu’ils votent avec nous le décret d’accusation contre les princes. (Applaudissements.) C’est à ce terme que j’attends ces fervents amis de la Constitution, qui ne veulent rien qu’avec elle. — Point de guerre sans ce décret préalable. (Applaudissements.) Nous irions punir les princes étrangers, et nous laisserions impunis les princes français ! Ce serait une contradiction monstrueuse. Puisqu’il est en notre pouvoir, en notre pouvoir seul, d’épargner ce second affront aux principes, aimons assez la Constitution pour, à l’unanimité, châtier enfin les factieux qui l’outragent.
En conséquence, j’ai l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L’Assemblée nationale, approuvant la notification faite par le roi à l'Électeur de Trèves et aux autres princes gui protègent les rebelles, qu’ils aient à faire, d’ici au 15 janvier prochain, cesser les rassemblements et préparatifs hostiles des émigrés français, sinon que la nation française les regardera comme ennemis ; approuvant d’ailleurs les mesures militaires prises par le pouvoir exécutif pour appuyer ces notifications : décrète que pour mettre ces mesures à exécution, il sera délivré provisoirement au ministre de la guerre la somme de 20 millions sur sa responsabilité, et pour en rendre compte de quinzaine en quinzaine ; laquelle somme sera divisée en quatre paiements, de quinzaine en quinzaine, à partir du 1er janvier.
« Charge son comité de législation de lui présenter dans huitaine un projet de décret d’accusation de crime de haute trahison contre les princes français et leurs adhérents.
« Décrète que le roi sera chargé de rappeler des cours de Stockholm, de Saint-Petersbourg et de Rome les envoyés et chargés d’affaires de France qui peuvent y être ; qu’il sera chargé de signifier aux envoyés de ces cours en France, qu’ils aient à sortir immédiatement de l’Empire français, et de leur notifier, au nom de la nation française que tous secours donnés aux rebelles par l’impératrice de Russie et le roi de Suède seront regardés comme mesures hostiles.
« L’Assemblée nationale déclare cependant que tous les citoyens suédois et russes continueront à jouir dans l’Empire français de la protection que la loi y accorde à tous les étrangers.
«Décrète que te roi sera chargé de réclamer auprès de la cour de Madrid l’exécution du traité des Pyrénées, et de celui de 1762 ; et en conséquence de demander, au nom de la nation française, satisfaction immédiate, soit pour les termes injurieux contenus dans les lettres du roi d’Espagne, soit pour le refus de secours demandés au gouverneur de la partie espagnole de Saint-Domingue par le gouverneur de la partie française, soit enfin pour les vexations auxquelles les Français résidant ou voyageant en Espagne, ont été soumis, surtout par la cédule du...
« Décrète que le roi sera pareillement chargé de réclamer, au nom de la nation française, auprès de l’empereur, contre l’intervention armée et la coalition dont il menace dans ses diverses lettres, et dans sa circulaire de Padoue, du 6 juillet.
« Qu’il sera chargé de réclamer l’exécution du traité du 1er mai 1756 ; et, en conséquence, de requérir l’empereur d’ employer auprès des Électeurs qui protègent les émigrés, non seulement ses bons offices, mais même ses forces pour faire cesser chez eux les rassemblements de ces émigrés, et de défendre, dans le Brabant, soit les uniformes, soit les cocardes et autres signes que les rebelles affectent de porter.
« Qu’il sera chargé de requérir de l’empereur qu’il ait à réduire les troupes qui sont dans les Pays-Bas, au nombre fixé par le traité des barrières.
« Décrète que le ministre des affaires étrangères sera tenu de communiquer régulièrement au comité diplomatique les nouvelles officielles qui pourront intéresser le salut de l’Empire.
« Charge son comité diplomatique d’examiner incessamment les traités qui lient à la France les cours d’Espagne, de Suède, de Russie, de Vienne et les États hélvétiques : et de lui faire son rapport sur les changements que peuvent y nécessiter les circonstances actuelles.” (Applaudissements.)
Vogesus
Vogesus
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